Bulletin Avril 2020 – Norvège, Suède, Finlande, Russie

Cold Response 2020 : exercice militaire annulé en raison de la crise du coronavirus

La pandémie du coronavirus (COVID‑19) a des conséquences pratiques sur les exercices militaires programmés en Norvège. Les principaux déploiements dans le cadre de l’exercice Cold Response 2020, qui devait se tenir du 12 au 18 mars 2020, ont été annulés le 11 mars. Aucune date concernant un éventuel report n’a été annoncée à ce jour.

Face à la propagation du coronavirus en Europe, et particulièrement en Norvège, le ministère de la Défense norvégien a décidé le 11 mars d’interrompre la phase majeure de l’exercice militaire Cold Response 2020, qui devait avoir lieu du 12 au 18 mars. Selon le lieutenant général Rune Jakobsen, commandant au centre interarmées norvégien, cette décision intervient alors que « le virus est hors de contrôle dans la société, et c’est une situation nouvelle » (The Independent Barents Observer, 11 mars 2020).

Cette décision a amené les forces armées norvégiennes à informer tous les participants et les services engagés lors de cet exercice. Une situation qui a impliqué une gestion post-exercice afin de ne pas exposer inutilement les forces engagées et la population civile face aux risques de propagation du virus. Le ministère de la Défense norvégien a précisé que cette annulation de dernière minute exige « un certain temps avant que tout le matériel et le personnel ne soient retirés de la zone d’exercice » (Communiqué du ministère de la Défense norvégien).

Parmi les objectifs de Cold Response 2020, les forces armées norvégiennes insistaient sur l’importance d’être capable de mener dans cet environnement des opérations amphibies reposant sur la projection de forces de la mer depuis la terre, le débarquement de troupes et de matériels ou encore la mobilisation d’unités aériennes (Forsvartet.no). Si l’exercice Cold Response 2020 s’est achevé prématurément du fait de la dégradation de l’environnement sanitaire international, l’acheminent des troupes prévues pour ce dernier se sera déroulé sans défaillance majeur, 15 000 personnes étant parvenues sur le sol norvégien avant l’annonce de son annulation (Ukdefencejournal).

Si aucune perspective n’a été engagée à ce stade concernant le report de l’exercice Cold Response, les activités opérationnelles habituelles des forces armées norvégiennes se poursuivent tout en tenant compte de l’évolution de l’épidémie sur le territoire national.

La région de Barents face à l’épidémie du coronavirus

L’Europe septentrionale est également affectée par le développement de la crise sanitaire qui touche l’Europe actuellement. Néanmoins, la propagation du virus apparaît à ce stade circonscrite. Les comtés du Troms et du Finnmark sont les foyers les plus importants dans la région.

L’épidémie de coronavirus s’est invitée dans la région de Barents ces dernières semaines mettant en alerte les pouvoirs publics. Pour limiter la diffusion du virus sur le territoire, les autorités locales et gouvernementales de la région mettent en place des initiatives.

En Finlande, les autorités ont mis en place un confinement partiel sur leur territoire en isolant Helsinki et sa région (Uusimaa) du reste du pays. Finnair a annoncé également l’interruption des liaisons aériennes entre le Nord et le Sud du pays. Tous les vols en direction, ou en provenance, des aéroports d’Ivalo, Kittila et Kuusamo sont interrompus jusqu’à nouvel ordre (High North News, 26 mars 2020).

Dans les régions septentrionales de la Norvège, les comtés du Troms et du Finnmark ont recensé 116 cas (au 27 mars 2020). Si les chiffres apparaissent élevés par rapport à l’oblast de Mourmansk en Russie (1 cas recensé) ou au Lapland en Finlande (4 cas recensés), l’épidémie apparaît malgré tout, contenue compte tenu de l’évolution sur l’ensemble du territoire norvégien (3 677 cas recensés au total au 27 mars 2020) (Aftenposten). Selon le maire de Tromsø, Gunnar Wilhelmsen, « la situation actuelle est que nous avons moins de personnes infectées ici que dans le reste du pays » avec « un taux d’infection plus faible qu’à Oslo ». La ville de Tromsø a testé 3 % de la population jusqu’à présent, alors que c’est environ 1 % de la population dans le reste du pays (High North News, 25 mars 2020).

Les ambitions pétro-gazières menacées par les effets de la crise sanitaire mondiale

La crise sanitaire en cours dans le monde entraîne une baisse globale de la demande en pétrole. L’effondrement des cours mondiaux, sous les 25 dollars le baril (Brent), menace les investissements pétroliers en Arctique.

La dynamique conjoncturelle combinant la pandémie du coronavirus et la chute brutale du prix du baril de pétrole menace grandement les projets pétro-gaziers dans la région arctique. La Norvège et la Russie semblent à présent réviser à la baisse leurs grands projets énergétiques au sein de leur espace septentrional respectif.

D’une part, la Norvège est confrontée à un retard au sujet du développement du champ pétrolifère Johan Castberg en mer de Barents. En effet, un chantier à Singapour qui n’est pas en mesure de respecter les délais amène la société Equinor à repousser d’une année l’échéance de lancement. Ce retard s’explique par l’émergence du coronavirus dès janvier en Asie (E24, 10 mars 2020). De même, la chute du prix du Brent de la mer du Nord, qui est tombé le 23 mars en dessous de 25 dollars US, amène le report des opérations de forage, comme celui de Stangnestind, un puit situé près de la frontière maritime avec la Russie.

D’autre part, les projets d’hydrocarbures dans l’Arctique russe questionnent quant à leur réalisation. Si le gouvernement russe a initié un développement massif de nouveaux gisements pétroliers et gaziers dans la région polaire, les conséquences économiques de la crise sanitaire et les problèmes structurels de l’économie russe menacent leur réalisation. Dès lors, une économie chancelante provoquée par les bas prix du pétrole et un affaiblissement du rouble laissent peu de place à de grandes aventures dans l’Arctique (The Independent Barents Observer, 24 mars 2020).

Le projet ferroviaire finno-norvégien Arctic railway en péril

Le projet de développement d’une voie ferroviaire reliant la ville de Rovaniemi (Finlande) à la commune portuaire de Kirkenes (Norvège) est à présent menacé après le « veto » de la communauté Sami. Cette dernière refuse la réalisation de ce projet qui reviendrait à violer les droits de la population autochtone.

Alors que la question des investissements chinois sur des projets infrastructurels, en Finlande et en Norvège, est devenue politiquement controversée, le projet de la voie ferrée reliant la commune portuaire de Kirkenes à Rovaniemi est à présent suspendu à la suite du « véto » des éleveurs Sami. Le projet de l’Arctic railway qui s’étend sur un tracé de 520 kilomètres menace directement la zone de pâturage des rennes. Selon Tuomas Semenoff, éleveur de rennes à Sevettijärvi, côté finlandais, la construction du « chemin de fer serait une catastrophe » pour les éleveurs Sami avec la perspective de nombreux conflits (The Independent Barents Observer, 5 mars 2020).

Alors que les autorités locales, à Kirkenes comme à Rovaniemi, sont favorables à ce projet y percevant des retombées économiques bénéfiques pour les communautés locales, ce véto contre le chemin de fer par les éleveurs Sami pourrait être le dernier clou dans le cercueil du projet. Il est peu probable que les gouvernements finlandais et norvégien s’engagent dans un bras de fer avec les peuples autochtones du nord.

La pêche russe en mer de Barents en danger face à la crise du coronavirus

La fermeture des ports norvégiens depuis le 16 mars 2020 menace les activités des bateaux de pêche russes. La mise en œuvre de règles de quarantaine, côté norvégien, met en difficulté les navires russes achetés ou réparés à l’étranger. En effet, ceux-ci sont soumis à un dédouanement complet si le premier port d’escale se situe en Russie.

La crise du coronavirus pourrait indirectement créer une crise pour le secteur de la pêche russe en mer de Barents. En effet, les règles de quarantaine introduites par le gouvernement norvégien le 16 mars empêchent les navires de pêche russes de faire escale dans les ports du nord de la Norvège pour changer d’équipage, décharger du poisson et s’approvisionner. Dans le Finnmark, la police régionale a décidé que les équipages de ces navires ne peuvent avoir aucun contact avec les travailleurs portuaires ou autres. Le résultat est l’impossibilité de changer d’équipage avec des pêcheurs qui partent de Mourmansk vers la Norvège en empruntant la frontière terrestre. Celle-ci est à présent fermée. Pour l’industrie de la pêche russe de la région, les navires achetés ou réparés à l’étranger doivent passer par un dédouanement complet s’ils effectuent leur première escale dans un port en Russie. Une telle procédure a un coût s’élevant à près de 650 000 $ et s’étend en moyenne sur dix jours. Les navires de pêche russes restent en mer durant trois mois, or, cette période touche à sa fin puisqu’ils ont repris la mer après la nouvelle année (The Independent Barents Observer, 21 mars 2020).

Au final, un arrêt des pêches en mer de Barents n’est désormais plus exclu selon l’association russe des pêcheurs dans un courrier adressé au premier vice-Premier ministre Andreï Beloussov. Si la situation de quarantaine devait perdurer jusqu’au mois de mai, les pertes pourraient s’élever à 70 milliards de roubles (soit 815 millions d’euros) pour le secteur (RBK, 20 mars 2020).

 

Florian Vidal (GEG), avec l’IRIS