Bulletin Novembre 2019 – Norvège, Suède, Finlande, Russie

La Russie apporte de nouveaux éléments concernant ses revendications du plateau continental en Arctique

Le ministère de la Défense russe a déclaré détenir de nouvelles preuves soutenant ses revendications relatives au plateau continental dans l’océan Arctique. Ces nouveaux éléments seront analysés par la Commission sur les limites du plateau continental (CLPC), organe des Nations unies, au mois de février 2020.

Le ministère de la Défense russe a annoncé avoir obtenu de nouveaux éléments permettant de consolider son dossier relatif aux revendications de la Russie sur l’extension des limites de son plateau continental dans l’océan Arctique. Par l’intermédiaire du vice-Premier ministre Yuri Borisov, il a été affirmé que « le ministère de la Défense a reçu de nouvelles preuves exhaustives de l’appartenance à la Russie du plateau océanique arctique » (Communiqué du Collège maritime russe).

Le ministère de la Défense a procédé à de nouvelles études bathymétriques et gravimétriques ainsi qu’à des profilages acoustiques. Ces études complémentaires ont pour objectif, côté russe, d’apporter de nouvelles pièces à conviction convaincantes auprès de la Commission sur les limites du plateau continental (CLPC). Celle-ci se réunira en février 2020 pour examiner ces nouveaux éléments.

Pour rappel, la Russie a déposé officiellement son dossier à la CLPC en août 2015. Cette revendication comprend un territoire de 1,2 million de km². En août 2016, à l’occasion de la 41e session de la commission, la délégation russe avait déjà présenté à New York des éléments devant soutenir ses revendications. Le ministre des Ressources naturelles Sergey Donskoy avait indiqué alors que « toutes les données collectées montrent le caractère continental de la crête de Lomonossov, de la crête haute Mendeleev-Alfa, du plateau de Tchoukotka, ainsi que de l’extension continue de ces éléments depuis le plateau peu profond eurasien » (The Independent Barents Observer).

La Norvège planifie l’ouverture d’un nouveau centre de recherche et sauvetage (SAR)

Le gouvernement norvégien a annoncé, à l’occasion de la présentation du budget 2020, la future ouverture d’un centre de recherche et sauvetage (SAR) supplémentaire dans le Nord du pays. Ce nouveau centre sera installé à Tromsø.

Lundi 7 octobre 2019, le gouvernement norvégien par l’intermédiaire du ministre de la Sécurité publique Ingvil Smines Tybring-Gjedde a annoncé que la ville de Tromsø (comté de Troms) accueillera le futur centre de recherche et sauvetage (SAR) renforçant l’infrastructure opérationnelle en mer de Barents.

Pour le directeur du Centre conjoint de coordination des opérations de sauvetage du nord de la Norvège, Bent-Ove Jamtli, cette annonce implique un changement substantiel avec « une forte amélioration de la préparation aux opérations d’urgence SAR dans le Troms et les zones en mer » (The Independent Barents Observer). Pour la Norvège, l’ouverture de ce nouveau centre a pour objectif d’accroître les capacités de sauvetage dans ses mers septentrionales.

Le futur centre à Tromsø vient ainsi compléter un dispositif opérationnel composé d’un centre SAR à Bodø et d’une base d’hélicoptères à l’aéroport de Banak dans le Finnmark. En outre, deux hélicoptères SAR opèrent depuis l’aéroport de Longyearbyen au Svalbard. Cette annonce fait écho à la catastrophe du 23 mars 2019, évitée de peu, du navire de croisière Viking Sky à la dérive en avarie machine au Nord de la Norvège. Une noria de cinq hélicoptères avait permis d’évacuer 400 passagers à quelques milles de la côte avant que le navire ne puisse repartir assister de remorqueurs (Barents Observer).

Nornickel annonce la future fermeture de la fonderie de Nikel

Le groupe russe Nornickel a annoncé la future fermeture de la fonderie de nickel, située à la ville frontalière de Nikel, dans la péninsule de Kola. Cette annonce est perçue comme un développement positif pour les pays voisins, en particulier la Norvège.

Un accord entre le gouverneur de l’oblast de Mourmansk Andrey Chibis et le président du groupe Nornickel Vladimir Potanine a été signé pour de nouveaux investissements à hauteur de 140 milliards de roubles (soit 2 milliards d’euros) pour les cinq prochaines années (Lenta). Ces investissements visent à une modernisation des infrastructures du groupe afin d’atténuer sensiblement les conséquences environnementales des activités industrielles de Nornickel. Parmi les projets, le groupe a annoncé la prochaine fermeture de la fonderie de Nikel, source d’une importante pollution en dioxyde de soufre.

L’infrastructure industrielle de Nikel a été source de tensions entre la Norvège et la Russie, en raison des conséquences environnementales dans la région frontalière de la Norvège. En janvier 2019, un nuage de dioxyde de soufre a atteint des niveaux de concentration inquiétants dans la région de Kirkenes, provoquant une alerte sanitaire. Ainsi, une alarme a été déclenchée dès que les niveaux de concentration ont dépassé 500 microgrammes par mètre cube (µg/m3) durant plus de trois heures consécutives (The Independent Barents Observer).

L’ONG norvégienne Bellona s’est félicitée du virage que le groupe russe a désormais emprunté en matière environnementale. Pour Alexander Nikitin, président de l’antenne de l’ONG à Mourmansk, cette annonce souligne que « Nornickel est fermement engagé dans une transformation environnementale à grande échelle » (Compte du réseau social du groupe Nornickel).

La Norvège ne participera pas à l’exercice Defender-Europe 2020 organisé en Europe du Nord

L’année 2020 sera marquée par plusieurs exercices de défense en Europe du Nord. Aussi, la Norvège, en raison de ses limites capacitaires, a annoncé qu’elle ne participera pas à l’exercice Defender-Europe 2020 qui se déroulera notamment dans les mers Baltique et du Nord en avril-mai 2020.

L’exercice Defender-Europe 2020, qui doit se tenir au printemps 2020, constituera le plus grand déploiement militaire états-unien depuis 25 ans. Géographiquement, cet exercice se déroulera essentiellement à la fois en mer Baltique et en mer du Nord. Au total, 37 000 militaires provenant des États-Unis et des pays alliés seront déployés (Fact Sheet communiqué par l’US Army Europe). Cette fois-ci, la Norvège a annoncé ne pas participer à ces grandes manœuvres.

Elle justifie son absence en raison d’un calendrier qui limite ses capacités de déploiement. En effet, l’armée norvégienne participera déjà à deux exercices militaires majeurs en 2020 : Cold Response et l’exercice suédois Aurora 2020. Comme le précise le porte-parole du ministère de la Défense Per-Thomas Bøe, l’armée norvégienne a dès lors « peu de capacité à participer aux exercices du plan de campagne états-unien Défender 2020 » (The Independent Barents Observer).

Néanmoins, la Norvège n’exclut pas de participer totalement à cet exercice majeur. Le ministère de la Défense réfléchit sur un déploiement de ces unités en Lituanie lors de l’exercice « Saber Strike », constituant un des volets du programme Defender-Europe 2020.


Rumeurs sur des mouvements militaires russes au Svalbard

À l’occasion de l’exercice militaire russe Tsentr 2019, des rumeurs propagées par le site norvégien Aldrimer indiquaient la présence de militaires russes au Svalbard. Des informations à prendre avec une extrême précaution alors que l’archipel est devenu une source de sensationnalisme.

Fin septembre 2019, le site Aldrimer a affirmé que la Russie aurait déployé un groupe tactique des forces spéciales russes sur l’archipel du Svalbard. Ainsi, sans pouvoir prouver ses assertions, le site norvégien, proche du milieu de la Défense, affirme que « les équipes tactiques russes ont mené des opérations militaires au Svalbard, tandis que des unités militaires russes ont également effectué des opérations de reconnaissances spéciales en Norvège » (Aldrimer.no). Ces éléments, à prendre avec précaution, auraient été révélés par une source provenant d’un pays allié de la Norvège, sans fournir plus de détail.

S’appuyant sur des descriptions, sans aucun élément visuel tangible, le site norvégien précise que des avions de reconnaissance états-uniens auraient pris des photographies attestant de la présence d’unités russes sur l’archipel. Le ministère des Affaires étrangères russe a réagi en dénonçant « une provocation grossière » (Novaya Gazeta). L’ambassade de Russie à Oslo y voit même une tentative pour « justifier une hausse du budget norvégien de la Défense » (Communiqué du 27 septembre 2019 de l’ambassade de Russie en Norvège). Côté norvégien, les autorités se sont montrées plutôt discrètes. Le ministère de la Défense norvégien a indiqué ne pas posséder « d’informations sur les allégations formulées dans cette affaire » alors que le contre-espionnage norvégien (Politiets Sikkerhetstjeneste) a refusé de commenter ces informations (NRK).

Fausse information ou non, ces rumeurs rappellent, une nouvelle fois, que l’archipel du Svalbard fait l’objet d’une extraordinaire attention. Comme le soulignent Elizabeth Buchanan et Mathieu Boulègue, cet archipel au sein de la région arctique est devenu « une pièce particulièrement attractive d’un domaine stratégique tangible » (The National Interest). Les différentes parties prenantes le savent, la Russie au premier chef.

Le transport du GNL de Yamal perturbé par les sanctions états-uniennes contre la Chine relatives à l’Iran

Le 25 septembre, les États-Unis ont imposé des sanctions à l’encontre de plusieurs sociétés chinoises, filiales du groupe COSCO, accusées d’avoir transporté du pétrole brut iranien. Paralysant les méthaniers de la société Yamal LNG Joint-Venture, ces sanctions ont été levées le 23 octobre à la suite d’une restructuration actionnariale de la société China LNG Shipping (Holdings) Ltd, actionnaire de cette société.

Le 25 septembre, les États-Unis par l’intermédiaire du Département du Trésor et son organisme de contrôle financier, l’OFAC (Office of Foreign Assets Control), ont imposé des sanctions aux filiales de l’entreprise publique COSCO : COSCO Shipping Tanker (Dalian) Co et COSCO Shipping Tanker (Dalian) Seaman & Ship Management. Ces sanctions états-uniennes sont intervenues en raison d’un transport supposé de pétrole brut iranien, alors sous embargo (Kommersant).

Ces sanctions ont eu un effet ricochet sur le transport du gaz naturel liquéfié (GNL) produit dans la péninsule de Yamal. En effet, la structure actionnariale de Yamal LNG Joint-Venture est composée de Teekay LNG (50%), armateur canadien, et de China LNG Shipping (Holding) (50%), filiale de COSCO Dalian. Yamal LNG Joint-Venture est propriétaire de quatre méthaniers Arc7, conçus pour la navigation polaire. Les conséquences se sont traduites immédiatement par le blocage du transport de gaz naturel liquéfié par ces méthaniers, depuis les installations de production de GNL gérées par Novatek.

Finalement le 23 octobre, le Département du Trésor des États-Unis a annoncé la levée des sanctions à l’encontre de la société China LNG Shipping. Suite à une restructuration actionnariale menée par COSCO Shipping, elle a été retirée du registre « personne bloquée », selon les règles de l’OFAC (Reuters). Ce bref épisode avait amené Novatek à reconsidérer les conditions de transport avec notamment la réouverture temporaire du site de rechargement GNL à Mourmansk permettant aux méthaniers, sous sanction, de circuler seulement dans les eaux russes.

 

Florian Vidal (GEG) avec des compléments d’Hervé Baudu (ENSM)