Bulletin Novembre 2019 –Technologie – Industrie – Capacitaire

Actualité industrielle

Au large de Mourmansk, la société Russian Aquaculture se dote de fermes d’élevage modernes, conçues sur le modèle norvégien

Si l’adoption de sanctions européennes et occidentales contre la Russie semble avoir eu un impact immédiat sur l’économie du pays, les effets sur les moyen et long termes semblent beaucoup plus limités voire diamétralement opposés aux objectifs poursuivis. Dans le secteur agroalimentaire, la Russie se dote ainsi de nouveaux atouts contribuant à la diversification de son économie. Par ailleurs, l’émergence de nouveaux acteurs économiques russes, abreuvés de financements publics et concentrés sur la satisfaction d’une demande nationale, doit concourir à rendre l’économie russe plus résiliente.

Dans le sillage des sanctions européennes et occidentales prises contre l’économie russe, la Russie voit aujourd’hui se développer son industrie agroalimentaire. Au large de Mourmansk, la société privée Russia Aquaculture s’est ainsi dotée d’un complexe offshore d’élevage de saumon, inspiré du modèle norvégien, pour un coût estimé à 110 millions d’euros sur cinq ans et destiné à permettre une production de 35 000 tonnes d’ici 2024, prioritairement destinées au marché domestique (source FR). Cette initiative doit permettre de diversifier l’économie locale et est en conséquence soutenue par un pouvoir russe particulièrement attentif aux développements relatifs à la baie de Kola où sont concentrés un certain nombre d’enjeux industriels et stratégiques, liés d’une part à l’exploitation du gaz et d’autre part à la proximité de la base navale de Gadjievo, cette dernière abritant la Flotte du Nord de la Marine russe.

La Russie s’interroge sur la possibilité de restreindre l’accès aux projets liés aux énergies renouvelables aux acteurs économiques étrangers

Alors que la Russie cherche à développer ses capacités de production d’énergies renouvelables, le quotidien économique Vedomosti indique que les autorités russes s’interrogeraient sur la possibilité d’interdire aux investisseurs étrangers l’accès à ce marché (source RU). Cette interdiction pourrait servir deux objectifs, d’une part en permettant l’émergence d’acteurs russes qualifiés dans la mise en place d’infrastructures énergétiques ; d’autre part en renforçant le contrôle qu’exerce la Russie sur son secteur énergétique. Pourtant et si la Russie doit en effet composer avec une concurrence de plus en plus rude, cette interdiction entrainerait des surcoûts conséquents, les acteurs russes du secteur ne disposant pas encore d’une maîtrise technologique reconnue sur l’ensemble de la chaîne de valeurs (source EN). Il existe aujourd’hui deux parcs éoliens dans le Grand Nord russe, au nord de la péninsule de Kola (oblast de Mourmansk) et à proximité de l’embouchure de la Léna (oblast d’Irkoutsk) (source RU). En 2010, les énergies renouvelables ne représentaient que 3,6% de la consommation totale d’énergie, le pouvoir russe cherchant à atteindre un résultat de 4,9% d’ici 2030 dans le cadre de sa propre politique énergétique (source FR).

En attente de la construction d’une base permanente dans la péninsule de Kola, la Russie renforce les infrastructures énergétique de l’île Kildine

Les autorités portuaires de Rosmoport ont annoncé la mise en place de deux plates-formes d’amarrage sur l’île Kildine, destinées aux méthaniers actifs en mer de Barents, et ce dans l’attente de la construction d’une nouvelle base permanente à l’ouest des côtes de la péninsule de Kola (source RU). Ces infrastructures temporaires devraient permettre de développer plus avant les activités économiques liées au consortium Yamal LGN, dont le principal terminal est situé dans le port de Sabetta, dans la péninsule de Yamal. Le transit du gaz naturel liquéfié est par ailleurs permis par le déploiement d’un total de quinze brise-glaces (source EN), chargés de maintenir ouverts les axes maritimes concernés.

Actualités Militaires capacitaires

En Russie, premier vol de démonstration commun pour l’avion multirôle furtif Su‑57 et le drone S‑70 Okhotnik

En publiant une vidéo représentant un premier vol commun de l’avion multirôle furtif Su‑57 et du drone S‑70 Okhotnik, le ministère de la Défense russe entend mettre en scène les capacités renouvelées de son arme aérienne future, ces deux appareils étant conçus pour mener des missions de renseignement et d’attaque dans des environnements contraints ou contestés (source FR). Le Su‑57 et le S‑70 disposeront de motorisations différentes, garantissant pour l’un une capacité supersonique et pour l’autre une capacité subsonique haute. Ces éléments doivent nous conduire à considérer le S‑70 comme un éclaireur aux Su‑57 – dont les premiers déploiements doivent intervenir en 2020 –, capables d’une part de prévenir une éventuelle attaque sur le territoire russe et d’autre part de renforcer les capacités russes à « entrer en premier » sur un théâtre d’opération. Dans l’Arctique, le déploiement de Su‑57 et de S‑70 constituerait un renforcement conséquent des capacités militaires russes, en s’ajoutant aux chasseurs-bombardiers polyvalents Su‑34 (source RU) et aux Su‑24M (source RU) déjà déployés en péninsule de Kola et susceptibles d’y mener des missions de reconnaissance, d’interdiction et d’attaque vis-à-vis de cibles aériennes, navales et terrestres.

Les forces navales américaines considèrent la possibilité de multiplier
leurs activités relatives à la route maritime du nord

À l’aulne du renforcement des capacités militaires russes dans l’Arctique, les États-Unis constatent l’importance de leurs propres déficits capacitaires, le format de leur flotte de brise-glaces étant notoirement sous-dimensionné. Une éventuelle réévaluation de la posture états-unienne dans l’Arctique n’impliquerait d’ailleurs pas qu’un renforcement des capacités de la Garde côtière, mais bien l’ensemble des forces armées du pays (source US).

Alors que les renforcements militaires de la Russie dans l’Arctique suscitent l’inquiétude de nombreux pays riverains, la Garde-côtière des États-Unis s’interroge sur la possibilité d’y multiplier ses déploiements, voire d’y installer une ou plusieurs bases permanentes, érigées autour de ports en eau profonde (source EN). En marge d’un événement co-organisé par le CSIS et l’Institut Naval des États-Unis, l’amiral Karl Schultz, commandant de la Garde-côtière, s’est ainsi exprimé en faveur d’une extension des missions menées depuis l’Alaska vers l’Arctique, dans le sillage de l’acquisition prévue d’un nouveau brise-glace lourd d’ici 2024, construit par la société VT Halter Marine (source EN). L’intérêt croissant des forces navales états-uniennes pour l’Arctique pourrait notamment s’exprimer à travers l’organisation de missions « FONOP » visant à assurer la liberté de navigation le long de la route maritime du Nord, une initiative dont l’intérêt est encore débattu (source EN).

La Finlande étudie la possibilité de renouveler sa flotte de huit brise-glaces, propriétés de la compagnie publique Arctia

Alors que près de deux tiers des 120 brise-glaces en activité à travers le monde ont été conçus et/ou produits en Finlande, la flotte nationale de brise-glaces nécessiterait des investissements lourds. En effet, trois des huit unités opérées par la compagnie publique Arctia ont été construites avant 1976 (source EN) – il s’agit des classes Voima et Urho –, le brise-glace Polaris étant par ailleurs le seul bâtiment de ce type construit par la Finlande depuis 1994. Pour la ministre finlandaise des Affaires locales et des Réformes, une décision concernant le renouvèlement de cette flotte devrait être prise avant la fin de l’actuelle session législative, la Finlande cherchant dans un même temps à identifier les besoins des pays voisins – et en particulier de la Suède – pour permettre l’émergence de dynamiques industrielles communes. Pour Arctia, cette décision s’inscrirait dans un contexte spécifique, alors qu’elle cherche à être associée à la construction des prochains brise-glaces de la Garde-côtière des États-Unis, aux côtés d’acteurs économiques finlandais comme Aker Arctic (source EN).


Afin de renforcer ses capacités antimissiles dans le Grand Nord, la Russie souhaite se doter de nouvelles stations d’alerte précoce d’ici 2022

La construction par la Russie de deux nouvelles stations d’alerte précoce dans le Grand Nord doit lui permettre d’achever la recomposition de son réseau de détection antimissile, alors que l’effondrement de l’URSS avait entravé le renouvellement capacitaire entrepris entre 1980 et 2000 (source EN). Ces efforts témoignent d’une certaine maîtrise technologique que la Russie entend par ailleurs exporter, le ministre de la Défense Sergueï Choïgou ayant officialisé le soutien de la Russie à la Chine à cet endroit.

Le président Vladimir Poutine et le ministre de la Défense Sergueï Choïgou ont annoncé la construction prochaine de deux stations d’alerte situées dans le Grand Nord russe, respectivement dans l’oblast de Mourmansk et sur le territoire de la République des Komis (source RU). Ces stations d’alerte seront dotées de radars Voronezh, conçus pour la surveillance des espaces aériens et destinés d’une part à contrer les attaques de missiles balistiques, d’autre part à détecter d’éventuels aéronefs. La Russie dispose à ce jour de sept stations d’alerte équipées de radars Voronezh dans les oblasts de Léningrad, Kaliningrad, d’Irkoutsk et d’Orenbourg et dans les Kraïs de Krasnodar, Krasnoïarsk et de l’Altaï, soit quatre stations situées sur les façades Ouest et Nord du territoire russe. La construction de deux nouvelles stations doit permettre de densifier la défense antimissile russe, mais aussi de la moderniser, alors que les précédentes stations russes de Mourmansk et de la République des Komis ne disposaient respectivement que de radars Dnestr et Daryal, de conception plus ancienne.