Bulletin Juin 2019 – Norvège, Suède, Finlande, Russie

Un radar sème la discorde entre la Norvège et la Russie

L’installation du radar de renseignement étatsunien Globus-2 à Vardø (Norvège) à proximité de la frontière russo-norvégienne suscite l’ire de Moscou. Les autorités russes y perçoivent une menace directe pour leur sécurité nationale.

Situé à seulement 28 kilomètres de la Russie, Vardø vient d’accueillir plusieurs familles étatsuniennes en vue de la construction d’un tout nouveau radar de renseignement. Ce radar se trouvera, dès lors, à proximité des installations militaires les plus importantes de la Russie dans la péninsule de Kola. Ces dernières années, l’aviation russe a simulé au moins deux fois des attaques en vol contre les installations radars de la ville norvégienne.

La Russie, par l’intermédiaire de la porte-parole du ministère des Affaires étrangères, Maria Zakharova, a vivement réagi lors d’une conférence de presse, le 23 mai 2019. Selon la porte-parole, ce déploiement dans la zone « n’est pas une affaire purement norvégienne » mais concerne l’ensemble des conditions « du maintien de la stabilité et de la prévisibilité dans le Nord » (Communiqué de presse du ministère des Affaires étrangères russe). La Russie estime que ce déploiement a pour objectif de surveiller notamment les activités de la flotte du Nord. Face à ce développement, la Russie entend riposter, invoquant des enjeux de sécurité nationale.

Néanmoins, dans un communiqué officiel, les services de renseignement norvégiens ont expliqué que « le système Globus assure un accès continu aux informations importantes et pertinentes d’intérêt national » (Services de renseignement norvé­gien). Cet épisode s’inscrit dans un arc de tensions croissantes entre les deux pays dans le domaine des systèmes de communication.

Exercices de la flotte russe au large de la Norvège

En l’espace d’un mois, la flotte du Nord russe a effectué par deux fois des exercices militaires au large des côtes norvégiennes. Réalisés habituellement dans l’espace arctique russe, ces exercices traduisent l’amorce d’une nouvelle doctrine dans la région de Barents.

Le navire de guerre Severomorsk, appartenant à la flotte du Nord, a conduit des exercices de tirs en mer de Norvège à la mi-mai. Le Severomorsk était alors de retour d’une longue mission dans l’océan Indien passant par l’océan Atlantique et la mer Méditerranée (Communiqué du ministère de la Défense russe). Ces tirs d’artillerie se sont déroulés aux larges des comtés du Nordland et de Troms d’après l’armée norvégienne qui a surveillé le navire russe (The Barents Observer).

En avril 2019, la Marine russe avait déjà procédé à des exercices d’artillerie en dehors du secteur russe de la mer de Barents. Elle avait alors déployé deux navires le Pyotr Velikiy et le Marshal Ustinov. Ces derniers ont été envoyés au nord de l’archipel de Lofoten constituant une brèche dans la doctrine défensive de la Marine russe dans la région.

Ce second exercice en mer de Norvège confirme un changement de doctrine pour la flotte du Nord. Communément, les exercices militaires des navires s’effectuent dans l’espace russe de la mer de Barents. Kristian Åtland, spécialiste de la doctrine de l’armée russe au sein de l’Institut de recherche de défense norvégien (FFI), juge que l’attitude russe en mer de Norvège peut être analysée « comme un moyen de signaler que la Russie a des intérêts de sécurité à long terme dans cette zone » (The Barents Observer). Dans l’optique du développement de la route maritime du Nord, l’espace maritime contigu à la Norvège pourrait s’insérer dans une zone considérée comme d’intérêt stratégique pour la Russie.

Exercices militaires au nord de la Finlande

Lors de manœuvres militaires importantes, dans le cadre de l’exercice « Bold Quest », qui se déroulent sur plusieurs semaines entre mai et juin sur le territoire, les forces armées finlandaises mènent des exercices dans la région lapone aux côtés des États-Unis et de la Norvège.

La Finlande mène actuellement des exercices militaires signficiatifs se déroulant sur plusieurs semaines entre mai et juin 2019 à de nombreux endroits de son territoire. Dans cette optique, une partie de ces exercices ont lieu à Sondankylä, dans la région du Lapland. Ces manœuvres comprennent 800 personnes et 200 véhicules motorisés. La majorité des troupes proviennent des brigades Jaeger et Kainuu au sein des forces armées finlandaises. Toutefois, cet exercice dans la région lapone a vu la participation d’environ une centaine de soldats en provenance des États-Unis et de Norvège. En outre, les forces armées norvégiennes ont également déployé quatre chars de combat CV90 (The Barents Observer).

L’objectif de ces exercices est de tester l’interopérabilité entre les armées alliées dans une dimension pratique. Ainsi, ces exercices impliquent, d’une part, de tester le matériel de transmission et, d’autre part, de communiquer en anglais. Plus largement, le principal centre de contrôle de l’exercice « Bold Quest » a été installé à Sondakylä. Les exercices aériens (13-24 mai 2019) sont principalement dirigés vers les zones d’entraînement proches des bases et autour de Rovajärvi (Lapland), situé à moins de 100 kilomètres de la frontière russe. Plus de 30 avions et hélicoptères provenant notamment des pays membres de l’OTAN (Allemagne, Danemark, États-Unis, France et Norvège) sont également mobilisés (Comité des chefs d’état-major interarmées des États-Unis).

Ce nouvel exercice opérationnel s’inscrit dans un environnement où les forces des pays nordiques montent en puissance dans la région de Barents. En avril 2019, l’armée norvégienne a annoncé la création de nouvelles unités dans le comté du Finnmark, frontalière de la Finlande et de la Russie. Regroupé sous l’attribut Finnmark Land Defense, le renforcement militaire dans cette région frontalière s’inscrit dans un environnement sécuritaire imprévisible (The Barents Observer).

Novatek prépare un troisième projet LNG en Arctique

Dénommé « Ob LNG », ce troisième site de production de gaz naturel liquéfié (GNL) lancé par l’opérateur russe Novatek entend être conçu à partir de technologies russes.

La société russe Novatek a annoncé en mai qu’elle commençait le développement d’un troisième projet de production de gaz naturel liquéfié dans la région de Yamal. Ce troisième site de production, baptisé « Ob LNG », sera situé à Sabetta. Sa production de GNL se basera sur les ressources des gisements de Verkhnetiuteyskoye et Zapadno-Seyakhinskoye, deux sites situés dans la partie centrale de la péninsule de Yamal. Ces deux champs contiennent un total de 157 milliards de mètres cubes de gaz naturel.

Mais contrairement aux deux premiers projets, « Yamal LNG » et « Arctic LNG 2 », celui-ci s’appuierait sur du matériel et des technologies russes. Son coût se hisserait à environ 5 milliards de dollars et l’entreprise pourrait démarrer l’usine à pleine capacité au milieu de 2023 (Kommersant). Cette annonce entend démontrer que la Russie est en capacité de développer de manière autonome des technologies dans le secteur de l’énergie, malgré le contexte des sanctions occidentales en œuvre depuis 2014.

De moindre importance que les deux premiers projets, le site de production « Ob LNG » pourrait produire jusqu’à 4,8 millions de tonnes de GNL par an. Développé en même temps que le projet « Arctic LNG 2 », ce site sera construit à Sabetta, à proximité des installations du site « Yamal LNG ». Selon l’annonce de Novatek, un gazoduc devrait relier l’usine aux deux champs gaziers ainsi qu’un accès au terminal maritime de Sabetta permettant les exportations (The Barents Observer).

La Chine réagit au durcissement juridique norvégien des activités scientifiques au Svalbard

La volonté norvégienne de renforcer son dispositif législatif sur les projets scientifiques menés sur l’archipel du Svalbard préoccupe la communauté scientifique chinoise. La Chine semble affirmer au contraire ses ambitions sur l’archipel.

En 2016, un rapport du ministère de la Justice norvégien a été publié sur la politique norvégienne concernant l’archipel du Svalbard. Parmis les axes d’orientation, ce document soulève la question de la recherche scientifique dans la région en suggérant notamment de positionner la Norvège comme un acteur clé de la recherche scientifique et non plus comme un simple facilitateur (Livre blanc sur le Svalbard). Ces propositions ont fait réagir récemment les autorités chinoises alors que la Norvège semble accroître la pression.

À ce jour, la base de données concernant les projets de recherche menés à Svalbard indique 80 projets enregistrés par des chercheurs chinois dans les domaines de la biologie, des sciences sociales et de l’atmosphère. Dans une réponse face à ces mesures, l’Institut polaire chinois a réaffirmé son droit de mener librement ses recherches, y compris en sciences sociales et en droit. Cet institut a, par ailleurs, exprimé sa profonde préoccupation sur le désir de la Norvège d’imposer aux communautés scientifiques, présentes au Svalbard, des orientations de recherche définies par les autorités norvégiennes.

Bien que la Chine ne conteste pas la souveraineté norvégienne sur l’archipel du Svalbard, le pays réaffirme que le traité de Svalbard concerne l’égalité de traitement entre les pays signataires. Ainsi, la Chine aimerait utiliser sa station comme base pour poursuivre ses activités dans le domaine de la recherche scientifique mais pourrait envisager l’exploitation minière et peut-être également le développement du tourisme dans la région (Klassekampen).

 

Florian Vidal (GEG)