Surveillance de l’Arctique (2/2) : Capacités russes de surveillance et communication satellitaires de l’Arctique

1 – Les enjeux de l’Arctique pour la Russie

L’importance de la région Arctique pour la Fédération de Russie apparaît dès que l’on considère sa longue frontière maritime qui s’étend sur près de 20 000 km[1] de la mer de Barents au détroit de Béring et les vastes espaces terrestres et maritimes afférents qui présentent un réel intérêt économique malgré la rudesse du climat.

L’océan glacial Arctique sépare les deux grandes puissances nucléaires dont la rivalité, exacerbée du temps de la Guerre froide puis atténuée du temps de la Perestroika, se réveille en faisant une zone de confrontation d’intérêts et de visions de l’Arctique.

La Russie, comme en son temps l’URSS, ont été intéressées par l’exploration, la maîtrise et l’exploitation de la zone arctique. Cette perspective économique est accentuée par les conséquences du réchauffement climatique, et par des progrès techniques permettant d’envisager plus aisément l’exploitation de nouvelles voies de communication maritimes et de tirer davantage parti des ressources naturelles. Bien avant la mise en œuvre de moyens satellitaires spécifiques, objets de cette étude, cet intérêt s’est traduit dans le passé par des initiatives conduisant au déploiement pionnier de moyens techniques adaptés aux hautes latitudes : stations météorologiques fixes ou dérivantes, radars, brise-glaces à propulsion classique puis nucléaire, avions[2], centrales énergétiques flottantes, etc. L’expertise russe est aujourd’hui reconnue pour les moyens satellitaires spécialisés à l’Arctique.

La fin de la Guerre froide avait provoqué un recul des déploiements russes dans l’Arctique. Toutefois, les ambitions de la Fédération y sont toujours fortes ainsi que vient récemment de le confirmer Vladimir Poutine en annonçant qu’il souhaitait renforcer l’empreinte russe sur l’Arctique[3]. La matérialisation de cette volonté passe par un effort pour mieux connaître et anticiper les évolutions de l’environnement Arctique. Il s’agit donc de surveiller et mesurer les paramètres de toute nature caractérisant les activités humaines et les évolutions naturelles de cette région. Les satellites, ainsi que leurs vecteurs, font partie de ces technologies clés absolument nécessaires pour la maîtrise de l’Arctique et pour y assurer la sécurité. Il s’agit bien de technologies de souveraineté.

Cette partie du monde demeure donc une zone potentielle d’oppositions d’intérêts, mais par ailleurs, les défis climatiques et les perspectives commerciales offrent également de réelles possibilités d’étendre la coopération internationale et d’assurer le développement durable de l’Arctique.

Après avoir rappelé la capacité de la Russie à maîtriser les trajectoires hautement elliptiques, ce développement fait le point des systèmes satellitaires de géolocalisation GLONASS et d’alerte avancée EKS, l’un comme l’autre très importants pour la stratégie russe dans l’Arctique, et du système civil Artika.

2 – La maîtrise par la Russie des trajectoires satellitaires HEO[4] dites orbite de Molniya

2.1 –        Caractéristiques de l’orbite Molniya (ou orbite Molnia)

Durant la période soviétique, des efforts furent réalisés pour pouvoir assurer la couverture satellitaire des latitudes élevées qui concernent une part importante du territoire et qui n’étaient que partiellement desservies par les satellites géostationnaires ou défilants :

  • Les satellites géostationnaires permettent d’acquérir en permanence des données sur la même zone du globe, mais ils ne « voient » ni la terre ferme ni l’océan au-delà du 60ème degré de latitude nord ».
  • Les satellites défilants géosynchrones, pour leur part, sont limités du fait qu’ils ne survolent une même zone que deux fois par jour, ce qui est peu si l’on prend en compte les aspects limitant d’une météo souvent défavorable et de la durée de la nuit polaire.

En complément de ces satellites, des satellites caractérisés par des orbites hautes, dites orbite de Molniya[5] (périgée à partir de 900 km, apogée autour de 390 00 km), ont été développés par les bureaux d’études pour couvrir les zones mal desservies. Rappelons que cette orbite géosynchrone très elliptique permet à un satellite de rester une grande partie du temps au-dessus de la zone pour laquelle son lancement a été spécifié, et ainsi de couvrir le territoire arctique de manière continue durant plus d’un tiers de son orbite. Une constellation de trois satellites permet d’assurer la permanence de la couverture.

L’orbite de Molniya présente la particularité de franchir quatre fois par jour les zones de fortes radiations appelées « ceintures de Van Allen », ce qui nécessite de renforcer les composants électroniques.

2.2 –        La génération « Molniya » entre 1960 et 2010

Après un échec en 1960, le premier satellite de ce type a été placé en orbite en avril 1965 et le système qu’il compose avec le réseau d’antennes sol « Orbita » et le lanceur éponyme dérivé du missile R‑7, fut opérationnel en 1968 ; il a donné son nom à cette catégorie d’orbite. Trois générations de satellites de ce type Molniya, représentant plus de 90 engins, ont été développées. Des satellites Molniya ont été consacrés à l’alerte précoce US-K.

En 1972, l’URSS commence le déploiement des satellites d’alerte précoce permettant de détecter le lancement de missiles balistiques avec un préavis suffisant pour mettre en œuvre une riposte. Également appelés Oko, le réseau devient opérationnel en 1987. Le 86ème et dernier satellite est lancé en 2010.

Succédant aux satellites Molniya, les satellites Meridian, utilisant les mêmes orbites, entrent en service à partir de 2006. Sept satellites ont été lancés entre 2008 et 2014 dont six avec succès. Aujourd’hui, les satellites Tundra du programme SKS utilisent cette orbite HEO, ainsi que des satellites du projet Artika. Ils font l’objet d’un développement ci-après.

3 – L’évolution des capacités spatiales Russes

3.1 –        Un budget amoindri

Après avoir été un acteur pionnier durant la Guerre froide, l’industrie spatiale russe voit ses capacités fondre après la chute de l’URSS. En effet, dans une Russie subissant une grave crise économique, le spatial a perdu son caractère prioritaire. Les activités industrielles spatiales sont dès lors limitées à des prestations de service et une partie de ses compétences sont cédées à des entreprises étrangères. Durant les années 1990, certains secteurs de son ingénierie de défense et spatiale sont progressivement devenus dépendants de la technologie occidentale, et la Russie est contrainte de travailler avec les données fournies par des satellites étrangers qui circulent souvent sur des orbites peu adaptées à la surveillance des régions polaires. Elle a aussi dû faire face à la fermeture d’une partie des stations météorologiques terrestres de l’Arctique.

Les sanctions prises en 2014 à la suite de la crise de Crimée ont fermé les marchés d’approvisionnement. Le complexe militaro-industriel russe connait des difficultés pour se fournir en technologies de pointe européennes et américaines, qu’elles soient militaires ou duales, sauf à solliciter les pays prêts à contourner l’embargo. Facteur aggravant, la crise a conduit à la rupture de la coopération avec les sociétés d’armement ukrainiennes, qui fournissaient une partie des composants des systèmes.

Selon l’OTAN, le nombre des satellites russes en orbite a fortement diminué dans la période qui a succédé à la Guerre froide. En 2001, sur 93 satellites opérationnels, le programme militaire russe pouvait officiellement compter sur 43 engins spatiaux dédiés à la défense, et sur une vingtaine de satellites à double usage. Mais certaines sources contestaient les chiffres officiels des Russes. « Les autorités russes ont eu du mal à maintenir le fort taux annuel des lancements de satellites du programme soviétique dont les engins avaient des durées de vie relativement brèves. De ce fait, l’ensemble du programme russe [apparaissait] obsolète au début des années 2000, 70% à 80 % des satellites ayant dépassé leur durée de vie utile »[6].

3.2 –        Le sursaut

Le gouvernement russe a fait savoir en 2014 qu’il comptait relever le financement de l’Agence fédérale spatiale russe dans le but de moderniser et de renforcer ses infrastructures et ses capacités à l’horizon 2020. Aujourd’hui, toujours d’après l’OTAN[7], la Russie conserve sa seconde place après les États-Unis, et exploite une constellation impressionnante de satellites militaires. La majorité de ces systèmes ont pour objectif d’assurer les communications des forces militaires russes à l’échelle mondiale.

La priorité du nouveau PFS[8] est d’assurer les obligations internationales de la Russie (vols habités, ravitaillement de l’ISS) et de maintenir au niveau les constellations de satellites d’application.

3.3 –        Les principaux systèmes de satellites d’importance « Arctique »

A.–      Le système GLONASS

Le réseau de satellites GLONASS, abréviation pour Global Navigation Satellite System, est un système russe de géo-positionnement par satellite décidé en 1976 par les Soviétiques et déclaré opérationnel en 1993. Il est venu balancer la suprématie voire l’hégémonie civile et militaire du GPS Navstar américain. Toutefois, s’il s’avère bien concurrentiel, ce système est également basé sur l’interopérabilité avec NAVSTAR comme avec GALILEO ou BEIDOU, les GPS européens et chinois.

Gérées par les forces spatiales russes, les orbites des 24 satellites opérationnels évoluent sur trois plans à une altitude de 19 100 kilomètres. Si le système possède moins de satellites que la constellation NAVSTAR (qui en compte 31), ces orbites sont positionnées légèrement plus au nord, ce qui garantit une meilleure couverture et une meilleure précision dans des zones de hautes latitudes de l’hémisphère nord. Les appareils compatibles GPS/GLONASS sont conseillés pour les voyageurs ou les systèmes robotisés évoluant dans l’Arctique.

A l’instar des autres systèmes satellitaires russes, le système GLONASS a connu des difficultés suite à la crise économique. Ainsi, le système, composé en 1996 de 24 satellites en orbite, a vu leur nombre diminuer progressivement, pour se réduire à 6 ou 10 satellites opérationnels à la fin de l’année 2000 (variation selon les sources). En 2001, le gouvernement russe a décidé de reconstituer la constellation des 24 satellites opérationnels initiaux. Clairement, la stratégie spatiale voulue par le Président Poutine met l’accent sur le développement de GLONASS.

Depuis 2010, les lancements de Glonass‑M, d’une durée de vie de 7 ans, ont repris avec une assez bonne régularité (fin de la production en 2015). Ces satellites sont suivis par une nouvelle génération d’engins dite Glonass‑K, disposant d’une durée de vie annoncée de 12 ans (premier lancement en 2011). « 2 à 6 » satellites étaient planifiés en 2017. Les fréquences choisies, voisines de celles de GPS et de Galileo, permettent la compatibilité[9].

La précision des données de tels systèmes peut être affectée par l’état de l’ionosphère, des éruptions solaires, des tempêtes géomagnétiques, ou des conditions météorologiques particulières. Les imprécisions peuvent induire une géolocalisation peu précise, une augmentation importante du temps nécessaire à la localisation (fix), voire conduire à l’impossibilité de géolocalisation. Afin de garantir des données de positionnement exactes dans l’espace Arctique sujet à ces perturbations, il est important de procéder à leur calibration à l’aide de stations spéciales de correction différentielle et de « monitoring » des paramètres des satellites. Pour y parvenir, l’agence Roscosmos a aménagé des stations dans plus de 30 pays, pour l’Arctique. Les stations localisées à Progress et Novolazarevskaya ont été activées en 2015 et celles de Bellinshausen, Mirny et Ruskaya sont en cours ou planifiées.

Les systèmes de géolocalisation et de radionavigation nécessitent, pour leur conception et leur développement, des moyens techniques et financiers importants. Mais ils ne sont pas seulement des outils technologiques. Ils sont aussi des instruments de souveraineté, de politique, de diplomatie et de développement économique. Ils sont l’un des moyens de mise en œuvre de la stratégie des États[10].

B.–      Le système d’alerte EKS

L’Union Soviétique avait un réseau spatial dédié à alerter du lancement de missiles balistiques survolant en particulier la zone arctique. Ce réseau appelé Oko était composé de satellites en orbite très elliptique (Molniya) et de satellites géostationnaires. Le nombre réduit de satellites lancés dans les années 1990 et leur remplacement aléatoire n’ont pas permis de maintenir durablement ce réseau pleinement opérationnel. Le dernier satellite du système précédent Oko, Kosmos 2479, aurait cessé de fonctionner en avril 2014 après deux ans sur orbite, forçant la Russie à limiter son réseau d’alerte antimissile aux moyens radars terrestres.

Pour rétablir cette capacité opérationnelle, voire l’étendre à la détection de missiles tactiques, le programme EKS[11], constitué de satellites « Tundra », fut lancé pour succéder au programme Oko. L’orbite Tundra est assez similaire à celle des anciens satellites Molniya, mais avec un périgée plus élevé et calculé pour que le satellite puisse effectuer quotidiennement deux longs passages quasi-stationnaires à la verticale des États-Unis puis de la Chine, tout en conservant une bonne visibilité sur l’Arctique et les zones de hautes latitudes.

Après quinze années de développement, les essais sur le premier satellite Tundra, construit sur la base de sa plate-forme USP Viktoria, ont été réalisés en 2014, le lancement du premier satellite cosmos 2510 Toundra du réseau EKS a eu lieu le 17 novembre 2015 à partir de Plessetsk[12], il fut suivi du lancement de six satellites de la série Cosmos en 2017 (deux prévus en 2018).

Chaque satellite Tundra aura une capacité de surveillance équivalente à celle de plusieurs satellites de l’ancienne génération. Outre leur mission d’alerte, ces satellites, qui sont appelés à travailler en complémentarité avec des satellites géostationnaires, comporteraient aussi un relais de télécommunications sécurisées pour les liaisons gouvernementales en cas de conflit nucléaire.

4 – Un système civil de surveillance et de télécommunication de l’Arctique, le programme Arktika

4.1 –        Une couverture de l’Arctique marquée par un déficit et une dépendance

Dès 2007, les Russes ont reconnu un déficit de données météorologiques fiables et permanentes concernant l’Arctique. Ils ont pris acte de leur dépendance vis-à-vis des données issues de satellites d’origines étrangères situés sur des orbites géostationnaires équatoriales couvrant imparfaitement la région arctique. Il fallait à la Russie un outil facilitant le développement et l’exploitation de l’Arctique.

Pour supprimer cette lacune en surmontant les aléas du climat arctique, un programme national civil « Arktika » a été lancé avec l’ambition de faire un « monitoring complet de la région arctique » destiné à fournir des informations complexes permettant de résoudre les problèmes du développement de toute cette région, tout en affichant la préoccupation d’un développement socio-économique dynamique des territoires septentrionaux de la Russie et des pays voisins du Pôle.

Le programme fédéral spatial 2006-2015 prévoit une large palette d’actions couvrant les besoins tant civils que militaires. Le projet spatial Arktika, élaboré au sein de Roskosmos (agence spatiale fédérale) à partir de 2007, s’est naturellement intégré dans ce programme de remise à niveau des outils spatiaux.

4.2 –        Une expression de besoin ambitieuse

Il s’agit de réaliser un système de surveillance satellitaire et de télécommunication de la zone Arctique permettant de :

  • Garantir la transmission continue des communications téléphoniques, radio, télévision au profit des installations sol, des navires et des plates-formes aériennes.
  • Observer des conditions météorologiques de l’Arctique pour améliorer les prévisions météorologiques limitées actuellement à 5-7 jours. Les spécialistes évaluent entre 40 et 60 milliards de roubles le coût annuel des incidences climatiques sur l’économie de la Russie. La création du système Arktika permettrait entre autres de réduire les préjudices causés à l’économie.
  • Déterminer les conditions et variations de la banquise (étendue, épaisseur).
  • Assurer la surveillance du trafic maritime et en particulier faciliter la navigation dans le Passage du Nord-Est et à l’embouchure des fleuves sibériens Ob, Ienisseï et Lena.
  • Surveiller l’océan, détecter, caractériser et localiser la présence d’hydrocarbures ou de modules polymétalliques, le réchauffement de l’Arctique pouvant libérer certains composants chimiques dans l’atmosphère (exemple des fuites massives de méthane sur le plateau arctique de la Sibérie Orientale[13]).
  • Prospection géologique.
  • Prévenir des menaces émanant du changement climatique.

4.3 –        Le lancement du projet

Le programme fut placé sous les projecteurs en avril 2010 lorsque le directeur de Roskosmos, Anatoly Perminov, annonça devant Vladimir Poutine, alors Premier ministre en visite sur l’archipel François Joseph, que le projet de constellation Arktika serait financé à hauteur de 68 milliards de roubles (près de 1,6 milliard d’euros). Il formait alors le vœu que la moitié de la somme puisse émaner d’investisseurs privés.

4.4 –        Une tentative de coopération internationale avortée

En 2010, la Russie et le Canada avaient annoncé le lancement de négociations visant à unifier leurs systèmes de surveillance spatiale de l’Arctique selon Anatoli Chilov, le directeur adjoint de l’agence spatiale russe Roskosmos. Ce projet ambitionnait d’associer l’Italie et plusieurs pays asiatiques. Cette initiative aurait pu jeter les bases d’un système satellitaire civil polyvalent de suivi spatial d’aide à la navigation et aux secours commun à tous les États riverains de l’océan Arctique. Il aurait présenté l’avantage de capter les signaux des différents satellites dont les satellites RADARSAT 2 canadiens[14] avec un même type de récepteur.

Toutefois, dans le courant de la même année, peut-être du fait des différends territoriaux opposants les deux nations, le Canada a décliné l’offre de participation en 2010 pour réaliser son propre projet. Le refus du Canada laisse toutefois planer le doute sur l’opérationnalisation d’un système satellitaire d’aide à la navigation et aux secours commun à tous les États riverains de l’océan Arctique.

4.5 –        Description du système

La plus grande partie des satellites Arktik, créés sur la base des plates-formes déjà existantes de type Navigator et Express, seront lancés sur des orbites hautement elliptiques privilégiant le survol de l’Arctique. Un des satellites sera toujours au-dessous de l’horizon pour permettre les communications météorologiques ou d’usage général au-dessus de l’Arctique. Le système se présentera comme une constellation divisée en quatre sous-ensembles appelés Arktika‑M, -MS1, -MS2 et Arktika‑R.

A.–      Les satellites météorologiques Arktika-M

Deux satellites d’observation météorologique optiques Arktika‑M seront spécialisés pour des missions météorologiques, observant en permanence l’évolution du temps et permettant des communications d’urgence pour la sécurité des vols au-dessus de l’Arctique.

Chaque satellite emportera une charge de type imageur multi-spectral appelé MSU-GSM permettant le transfert d’informations météo et d’urgence. Les satellites seront placés sur une orbite de 40 000 km d’apogée et 1 000 km de périgée permettant un survol de la région Arctique quasiment sans interruption avec deux satellites. Le premier vol initialement prévu en 2013 est en théorie programmé en 2018.

B.–      Les satellites RADAR Arktika-R

Deux satellites Arktika‑R, dont la charge utile comporte radar et spectromètre, sont spécialisés dans l’observation tout temps destinés au suivi des conditions de glace de la banquise. Ils serviront aussi à la prospection minière, et à assister la navigation des navires dans le passage du nord et à l’embouchure des grands fleuves sibériens. Ces satellites rendront par ailleurs des services pour la prospection du pétrole, du gaz et d’autres matériaux utiles. Leur mission est de rechercher des ressources naturelles et de mesurer l’épaisseur de la glace, la température de l’eau et les traces de pollution ou de libération de certains composants chimiques dans l’atmosphère consécutives au dégel.

Chaque satellite emportera un imageur radar tout temps comme instrument principal L’antenne radar multimode émettra à une fréquence de 9.5 à 9.8 GHz. Le champ d’action couvrira une zone de 450 à 600 km en mode dégradé et les images auront une précision métrique. Ces satellites seront placés sur des orbites polaires géosynchrones avec une inclinaison de 98°par rapport à l’équateur à une altitude de 550 à 750 km.

C.–     Les satellites de communication Arktika-MS1

Trois satellites Arktika-MS-1 comprennent un segment commercial développé par Gazprom Kosmicheskie Sistemy. Les satellites MS-I permettront la transmission des communications téléphoniques, et des transmissions TV et radio FM, notamment pour les navires et avions se trouvant dans la zone polaire. Par ailleurs, des communications mobiles seront fournies pour le réseau Polar Star Polyarnaya Zvezda. Les satellites Arktika-MS seront déployés sur des orbites HEO avec une inclinaison de 63° sur l’équateur et une apogée d’environ 50 000 km.

D.–     Les satellites de communication « étatiques » Arktika-MS2

Trois satellites Arktika-MS2 resteront la propriété de l’État et seront dédiés aux communications gouvernementales (trafic aérien, relais de signaux GPS ou GLONASS). Ils seront placés sur des orbites de même type que les satellites Artika-MS1.

E.–      Le segment sol

Chaque sous-système du réseau Arktika disposera de son propre réseau de stations sol. Cinq centres principaux situés à Moscow, Novosibirsk, Khabarovsk, Tiksi et Barenzsburg seront complétés par plus de 100 stations régionales réparties en Russie. Une fois collectées et traitées par ces moyens, les informations seront exploitées par les principales agences gouvernementales.

Notes :

[1] 19 724,10 km exactement, cf. SNEGUR Julia, « Le pôle Nord des Russes », Outre-Terre, vol. 25-26, n°2, 2010, pp. 487-501.

[2] Première traversée de l’océan Arctique en avion en 1937 par Valery Chkalov.

[3] MANDRAUD Isabelle, « Poutine renforce l’empreinte russe sur l’Arctique », Le Monde, 31 mars 2017.

[4] Highly Elliptical Orbit.

[5] Molniya signifie éclair en Russe, du fait de la forme de la trajectoire.

[6] IBRUGGER Lothar, « Les armes dans l’espace et la sécurité mondiale », Assemblée parlementaire de l’OTAN, rapport de la sous-commission sur la prolifération des technologies militaires, référence 156 STMT 03 T, novembre 2003, 20 p.

[7] Assemblée parlementaire de l’OTAN, « Rapport de la commission de la défense et de la sécurité », OTAN, session de printemps 2017, référence 068 DSCF 17 F.

[8] Programme spatial fédéral Russe 2016-2025.

[9] Les satellites de nouvelle génération émettront aussi sur les fréquences L1 et L5 du GPS, en utilisant les mêmes modulations que le GPS, assurant ainsi l’interopérabilité tant avec GPS qu’avec Galileo.

[10] ARNAUD Walter, GPS, Galileo et autres systèmes de radionavigation. Historique, concept et enjeux, Paris, Presses des Ponts, 2014, 118 p.

[11] Edinaya Kosmitcheskaya Sistema.

[12] Lanceur Soyouz 2.1b/Fregat M, le satellite désigné sous le nom générique de Kosmos 2510 a été séparé sur une orbite elliptique parcourue en onze heures et 54 minutes (1 626 x 38 552 km, inclinée à 63,79°).

[13] Voir par exemple Ambassade de France en Russie (Service pour la Science, la technologie et l’Espace), Sur les échappements massifs de méthane du plateau arctique de la Sibérie Orientale, 5 mars 2015, https://www.diplomatie.gouv.fr/fr/politique-etrangere-de-la-france/diplomatie-scientifique/veille-scientifique-et-technologique/russie/article/sur-les-echappements-massifs-de-methane-du-plateau-arctique-de-la-siberie

[14] RADARSAT 2 a été lancé du cosmodrome russe de Baïkonour, au Kazakhstan, en décembre 2007, à bord d’une fusée Soyouz.