Corée du Sud (République de Corée)

Les ambitions coréennes dans l’Arctique

Comme ses voisins d’Asie du Nord-Est, la République de Corée (Corée du Sud) a obtenu le statut d’observateur au Conseil de l’Arctique au mois de mai 2013. Seoul avait déposé sa première demande en 2008, un an après la République populaire de Chine et un an avant le Japon, et participe de l’effet d’entraînement sensible en Asie sur les questions de l’Arctique.

L’intérêt de la République de Corée pour les pôles avait longtemps été limité – là encore comme dans le cas de ses voisins asiatiques – à l’Antarctique. Ce n’est qu’en 2001 que la Corée du Sud a créé le Korean Arctic Science Council (KASCO) et la première (et seule à ce jour) station scientifique permanente sud-coréenne dans l’Arctique, la station Dasan, a été installée dans le Spitzberg en 2002.1http://eng.kopri.re.kr/home_e/contents/e_3210000/view.cms

Les motivations

Comme pour l’ensemble des États asiatiques qui ont obtenu en 2013 le statut d’observateur au Conseil de l’Arctique2Il s’agit de l’Inde, du Japon, de la République populaire de Chine, de la République de Corée et de Singapour., le discours soutenant la candidature de la Corée du Sud met en avant les dimensions environnementales et scientifiques, qui constituent des conditions essentielles pour obtenir – et conserver – ce statut. 3http://www.arctic-council.org/index.php/en/about-us/arctic-council/observers Pour étayer sa demande, la Corée du Sud organise une expédition scientifique par an dans l’Arctique depuis 2010. 4Hyun Jung-Kim, « Success in Heading North? South Korea Master Plan for Arctic Policy », Marine Policy, n° 61 (2015) sur : http://www.elsevier.com/locate/marpol

La Corée se définit comme une puissance moyenne aux ambitions globales. A ce titre, Seoul insiste sur sa responsabilité en matière d’étude et de protection des écosystèmes fragiles de l’Arctique. L’ambition affichée est de « développer une activité scientifique afin de contribuer à résoudre les problèmes communs de l’humanité ».5Idem.

L’objectif affiché de la Corée du Sud est d’être reconnu comme un partenaire « fiable et responsable », dans l’Arctique comme dans l’Antarctique. Les questions de prestige et de positionnement par rapport aux deux puissances que sont la Chine et le Japon, et les enjeux de géopolitique, constituent donc aussi une motivation importante. Pour la Corée du Sud, la mise en œuvre de partenariats bilatéraux avec l’ensemble des États membres du Conseil de l’Arctique et la volonté de ne pas être marginalisée dans une zone qui pourrait offrir des opportunités nouvelles, sont importantes.

Par ailleurs, au niveau strictement régional, la tenue d’un premier dialogue sur les questions de l’Arctique avec la République populaire de Chine et le Japon au mois d’avril 2016, dans le prolongement du sommet trilatéral qui s’est tenu à Seoul au mois de novembre 2015, est également un moyen de nourrir des échanges difficiles entre les trois États d’Asie du Nord-Est, et d’afficher des éléments positifs de coopération.

Aux côtés de la Chine et du Japon pour l’Asie du Nord-Est, la Corée du Sud est également membre fondateur de l’Asian Forum for Polar Science, créé en 2004. La Corée est notamment responsable du groupe de travail sur la fonte des glaces dans l’arctique.6http://www.afops.org/m31.php?type=2

Toutefois, il ne semble pas que des activités communes aient été mises en place dans l’Arctique.

Les enjeux économiques

Mais au-delà des motivations environnementales, scientifiques et géopolitiques, l’intérêt de la Corée du Sud pour l’Arctique repose essentiellement sur les enjeux économiques. Cet intérêt s’inscrit par ailleurs dans le plan d’action en 140 points 2013-2017 mis en œuvre après l’élection de la Présidente Park Geun-Hye. Ce plan prévoit notamment « l’extension des territoires économiques maritimes globaux » exploités par la Corée du Sud, dont l’Arctique fait partie.

Cet intérêt économique porte sur l’accès à de nouvelles ressources, ressources énergétiques et minérales, et ressources halieutiques, dans une zone arctique rendue plus accessible par le réchauffement climatique.

La République de Corée est un importateur majeur de pétrole et de gaz, et l’un des objectifs du gouvernement, pour des raisons stratégiques et économiques, est de diversifier les sources, qui proviennent aujourd’hui majoritairement du Moyen-Orient. Le développement et l’exploitation des ressources énergétiques dans la zone arctique et subarctique, qui, selon des sources américaines, concentrerait le quart des réserves mondiales exploitables de pétrole, sont donc présentés comme une opportunité dont les entreprises sud-coréennes doivent se saisir.7Young Kil-Park, « South Korea Interest in the Arctic », Asia Policy, 18 (Juillet 2014). Sur : http://www.nbr.org et http://www.cfr.org/arctic/us-geological-survey-circum-arctic-resource-appraisal/p32052 Des accords ont d’ores et déjà été signés avec la Russie et le Groenland.

Les perspectives d’ouverture plus régulière de la route du nord sont également prises en compte, alors que 99 % du volume du commerce extérieur de la Corée du Sud se fait par bateau. Si des doutes subsistent quant à la viabilité et à la rentabilité de cette nouvelle voie, notamment pour les porte-containers, la Corée du Sud souhaite être présente, au même titre que la Chine et le Japon. Au mois d’octobre 2013, le cargo Stena Polaris, appartenant à la compagnie Hyundai Glovis, a effectué son premier parcours.8Young Kil-Park, « South Korea Interest in the Arctic », Asia Policy, 18 (Juillet 2014). Sur : http://www.nbr.org

Mais au-delà de l’accès aux ressources, la Corée du Sud met l’accent sur d’autres retombées plus indirectes pour l’industrie navale sud-coréenne. Seoul souligne le besoin potentiel croissant en bâtiments brise-glaces et en plates-formes pétrolières et gazières adaptées aux conditions climatiques de l’Arctique, et les grandes entreprises de construction navale sud-coréenne, Hyundai HI, Samsung HI et Daewoo Shipbuilding and Marine Engineering, ont exprimé leur intérêt.9Idem. Autre signe de cet intérêt spécifique, qui correspond à l’un des pôles d’excellence de l’industrie sud-coréenne, 12 % des articles scientifiques publiés par l’Institut coréen de recherche sur les pôles (KOPRI) concernent le transport maritime.10Hyun Jung-Kim, « Success in Heading North? South Korea Master Plan for Arctic Policy », Marine Policy, n° 61 (2015) sur : http://www.elsevier.com/locate/marpol

Les moyens mis en œuvre

L’intérêt de la Corée du Sud pour l’arctique s’est traduit par la mise en œuvre de moyens diversifiés. En 2013, la présidente Park Geun-Hye nouvellement élue a lancé un plan d’action pour l’Arctique (Arctic Policy Master Plan) adopté au mois de décembre de la même année.11http://www.koreaherald.com/view.php?ud=20130729000389 Ce plan se décompose en une vision : « devenir un partenaire fiable et responsable dans les zones polaires », trois objectifs politiques : « établir des partenariats bilatéraux dans l’Arctique, développer la recherche scientifique et contribuer à résoudre les problèmes communs de l’humanité et créer de nouvelles industries dans l’Arctique », quatre stratégies, et 31 projets.

Les quatre stratégies détaillent les objectifs politiques. Elles prévoient d’intensifier la coopération internationale sur les enjeux de l’Arctique au sein du Conseil de l’Arctique et avec les États qui bordent le cercle arctique. Elles prévoient également de développer les activités de recherche dans la zone arctique, de promouvoir les activités économiques liées à l’Arctique et de renforcer, en Corée, les institutions liées à l’Arctique avec notamment la création d’un centre d’information sur les zones polaires.

Les 31 projets sont essentiellement la compilation de projets existants au sein d’autres ministères et organismes. Le plan d’action pour l’Arctique, placé sous la direction du ministère des Océans et des Pêches, implique également le ministère des Affaires étrangères, le ministère des Sciences, le ministère du Commerce, de l’industrie et de l’énergie, le ministère de l’Environnement, le ministère des Infrastructures et des Transports et l’Administration météorologique coréenne.12Hyun Jung-Kim, « Success in Heading North? South Korea Master Plan for Arctic Policy », Marine Policy, n° 61 (2015) sur : http://www.elsevier.com/locate/marpol

En ce qui concerne la recherche, le KOPRI est doté d’un budget de 50 millions de dollars et emploie 300 personnes. En 2012, la création du Korea Institute of Ocean Science and Technology (KIOST), placé sous l’autorité du ministère des Infrastructures et des Transports, vient souligner l’intérêt de Seoul pour la dimension construction navale de l’ouverture vers la zone arctique.13Iselin Stensdal, « Coming of Age? Asian Arctic Research 2004-2013 », Polar Record, 52 (263), Cambridge University Press.

En dépit de la volonté de la Corée d’être présente dans l’Arctique, et de tirer parti des opportunités géopolitiques et économiques que cette présence peut offrir, la question des moyens, ainsi que celle de la rationalisation des projets, se pose, alors que la croissance économique en Corée demeure fragile.

Si les investissements consentis par la Corée pour obtenir le statut d’observateur au Conseil de l’Arctique au même titre que ses voisins sont considérés comme positifs, certains analystes soulignent toutefois que ce statut, qui doit être justifié régulièrement, est fragile et coûteux au regard des possibilités d’action, en termes de propositions, offertes aux non-membres.14Young Kil-Park, « South Korea Interest in the Arctic », Asia Policy, 18 (Juillet 2014). Sur : http://www.nbr.org

 

Sélection d’enjeux à suivre, sujets à approfondir :

[  La préparation de la nouvelle stratégie arctique de l’Union européenne ;

[  Analyse fine de la FNRA par chapitre ;

[  Les conséquences politiques et économiques de l’autonomisation accrue du Groenland (relation avec l’UE, l’Amérique du Nord…) ;

[  L’intérêt des puissances asiatiques pour l’Islande, le Groenland ;

[  L’expression d’intérêts arctiques par la Grande-Bretagne, l’Allemagne, de l’Italie.

 

   [ + ]

1. http://eng.kopri.re.kr/home_e/contents/e_3210000/view.cms
2. Il s’agit de l’Inde, du Japon, de la République populaire de Chine, de la République de Corée et de Singapour.
3. http://www.arctic-council.org/index.php/en/about-us/arctic-council/observers
4. Hyun Jung-Kim, « Success in Heading North? South Korea Master Plan for Arctic Policy », Marine Policy, n° 61 (2015) sur : http://www.elsevier.com/locate/marpol
5, 9. Idem.
6. http://www.afops.org/m31.php?type=2
7. Young Kil-Park, « South Korea Interest in the Arctic », Asia Policy, 18 (Juillet 2014). Sur : http://www.nbr.org et http://www.cfr.org/arctic/us-geological-survey-circum-arctic-resource-appraisal/p32052
8, 14. Young Kil-Park, « South Korea Interest in the Arctic », Asia Policy, 18 (Juillet 2014). Sur : http://www.nbr.org
10, 12. Hyun Jung-Kim, « Success in Heading North? South Korea Master Plan for Arctic Policy », Marine Policy, n° 61 (2015) sur : http://www.elsevier.com/locate/marpol
11. http://www.koreaherald.com/view.php?ud=20130729000389
13. Iselin Stensdal, « Coming of Age? Asian Arctic Research 2004-2013 », Polar Record, 52 (263), Cambridge University Press.