Japon

Le poids des enjeux stratégiques

Le Japon a été admis comme observateur permanent au Conseil de l’Arctique en 2013. Il a nommé la même année un Ambassadeur pour l’Arctique et publié en 2015 un premier document intitulé « Japan’s Arctic Policy »1https://www.kantei.go.jp/jp/singi/kaiyou/arcticpolicy/Japans_Arctic_Policy[ENG].pdf. Ce document fera l’objet d’une présentation approfondie dans un prochain rapport..

Paradoxalement, le Japon est l’État asiatique le plus anciennement investi dans des projets de recherche sur les pôles et dans l’Arctique, mais il est aussi celui qui a le plus tardivement déposé, en 2009, une demande pour obtenir le statut de membre observateur permanent au Conseil de l’Arctique2Linda Jakobson, Syong-Hong Lee, « The North East Asian States Interest in the Arctic and Possible Cooperation with Danemark », SIPRI, April 2013..

Plusieurs raisons expliquent ce décalage. Le Japon avait lancé dès les années 1990, avec la Norvège et la Russie, un « Programme international sur la route maritime du Nord », qui se poursuivra jusqu’en 2005 sous le nom de Japan North Sea Route Program. Toutefois, ce programme conclura à l’intérêt limité pour les entreprises japonaises de ce nouveau passage, en dépit des perspectives ouvertes par la fonte des glaces3Jasmin Sinclair, « Japan and the Arctic, not so Poles Apart », 石油と天然ガスレビーユ (Sekiyu to tenzen gasu rebiyu, Pétrole et gaz naturel revue), vol. 48, n°2, 03/2014..

En réalité, ça n’est qu’après l’entrée du Japon au Conseil de l’Arctique qu’un argumentaire fondé sur la mise en avant des enjeux environnementaux, l’ouverture de nouvelles voix de transit et l’accès aux ressources naturelles a été développé pour justifier l’intérêt de Tokyo pour la zone arctique4Kazuko Shirayashi, « Charting japan’s Arctic Strategy », http://www.brookings.edu/events/2015/10/19-charting-japans-arctic-strategy, 19 octobre 2015..

Toutefois, derrière cet argumentaire, il apparaît que l’une des principales motivations de l’intérêt du Japon pour l’Arctique – au-delà d’un intérêt scientifique ancien – réside en réalité dans la volonté de répondre et d’équilibrer la stratégie d’affirmation de puissance de la Chine dans l’Arctique.

C’est dans ce contexte plus global de rivalité avec la Chine, et plus particulièrement de rivalité maritime, qu’il faut notamment analyser l’importance accordée par Tokyo à la thématique des normes et du respect du droit international appliquée à la zone arctique. La zone arctique devient ainsi pour Tokyo le nouveau champ d’expression de son ambition à apparaître – en opposition avec la puissance chinoise – comme un contributeur positif au système de normes internationales.

Il est à se propos significatif de noter que l’Arctic task force mise en place par le MOFA en 2010 pour étayer la candidature du Japon au Conseil de l’Arctique dépendait de la division océanique du bureau des affaires juridiques internationales.

En 2012, alors que le brise-glaces chinois Xue Long effectuait son premier passage par la route du nord, Le Japan Institute for International Affairs (JIIA), qui dépend du ministère des Affaires étrangères, notait dans ses recommandations la transformation de l’en­vironnement stratégique dans la zone arctique avec comme conséquence la nécessité pour le Japon de défendre ses « intérêts nationaux », et de prendre plus spécifiquement en compte les nouveaux enjeux juridiques dans l’Arctique5Hideki Asari, « Arctic Governance and Japan’s Diplomatic Strategy Project », https://www2.jiia.or.jp/en/pdf/research/2012_arctic_governance/08e-recommendations.pdf..

Dans le prolongement de ces recommandations, Kazuko Shirayashi, Ambassadeur pour l’Arctique, a défini au mois d’octobre sept orientations prioritaires qui sont la science et la technologie, et l’environnement, mais aussi la coopération internationale et le respect des normes, le respect des peuples indigènes, la sécurité nationale, le développement économique et social et, en dernière position, le développement possible de la route maritime du nord et de l’exploitation des ressources énergétiques. On retrouve ici la structuration du discours officiel (recherche, environnement, coopération inter­nationale et respect du droit des peuples indigènes) et des préoccupations (respect des normes, sécurité nationale) du Japon dans l’Arctique. Il est significatif de noter que les perspectives les plus directement économiques (route maritime du Nord et ressources énergétiques) n’apparaissent qu’en dernière position.

Cette préoccupation stratégique du Japon face aux ambitions chinoises dans l’Arctique rejoint par ailleurs celle de la Russie qui – en dépit des réticences de Pékin – a fortement soutenu l’entrée de Tokyo comme membre observateur au Conseil de l’Arctique en 2013.

   [ + ]

1. https://www.kantei.go.jp/jp/singi/kaiyou/arcticpolicy/Japans_Arctic_Policy[ENG].pdf. Ce document fera l’objet d’une présentation approfondie dans un prochain rapport.
2. Linda Jakobson, Syong-Hong Lee, « The North East Asian States Interest in the Arctic and Possible Cooperation with Danemark », SIPRI, April 2013.
3. Jasmin Sinclair, « Japan and the Arctic, not so Poles Apart », 石油と天然ガスレビーユ (Sekiyu to tenzen gasu rebiyu, Pétrole et gaz naturel revue), vol. 48, n°2, 03/2014.
4. Kazuko Shirayashi, « Charting japan’s Arctic Strategy », http://www.brookings.edu/events/2015/10/19-charting-japans-arctic-strategy, 19 octobre 2015.
5. Hideki Asari, « Arctic Governance and Japan’s Diplomatic Strategy Project », https://www2.jiia.or.jp/en/pdf/research/2012_arctic_governance/08e-recommendations.pdf.