L’Islande se considère comme un pays côtier de l’océan Arctique, même si elle ne possède qu’une minuscule portion de son territoire au nord du cercle polaire. La résolution parlementaire de 2011 qui fait office de stratégie arctique de l’Islande défend sa position d’État côtier et promeut une définition de la région Arctique qui irait du pôle Nord à l’océan Atlantique : « The Arctic should not be limited to a narrow geographical definition but rather be viewed as an extensive area when it comes to ecological, economic, political and security matters. »1A Parliamentary Resolution on Iceland’s Arctic Policy, (2011) Parliament (Althingi). Mais aux yeux des autres États circumpolaires, l’Islande semble souffrir d’un manque de légitimité arctique. Sa demande d’être reconnue comme État côtier n’a pas été prise en compte par les cinq États riverains de l’océan Arctique, lors par exemple des réunions « Arctic five » dont la plus importante a été celle d’Ilulissat en 20082https://www.regjeringen.no/globalassets/upload/ud/080525_arctic_ocean_conference-_outcome.pdf. L’Islande dispose de fait de ressources financières limitées pour son investissement arctique, ce qui explique par exemple que la ville de Tromsø en Norvège a été choisie comme siège permanent du secrétariat du Conseil de l’Arctique face à Reykjavik.
C’est peut-être avec l’objectif de renforcer sa légitimité arctique que l’Islande a toujours insisté pour étendre la coopération internationale dans la région à tous les acteurs, y compris extérieurs à la région. Bien que les négociations islandaises pour rejoindre l’UE soient actuellement suspendues3Finland’s Strategy For the Arctic Region Prime Minister’s Office Publications 8/2010., elle est en discussion avec les autorités portuaires européennes avec pour but de devenir un « hub » nordique pour d’hypothétiques nouvelles routes maritimes. L’Islande développe également des relations de coopération étroite avec ses voisins immédiats, le Groenland et les îles Féroé. L’Islande a établi, avec le Groenland et les îles Féroé, le West Nordic Council en 1985, un forum parlementaire qui fait partie des plus anciens mécanismes de coopération pan-arctique. Le rapport « Nordic cooperation on foreign and security policy » paru en 2009 sous le nom de rapport Stolenberg, du nom du Premier ministre norvégien, définit les grandes lignes d’une coopération nordique en matière de sécurité, notamment dans les eaux arctiques entre cinq pays : la Finlande, la Suède, la Norvège, le Danemark et l’Islande4https://www.regjeringen.no/globalassets/upload/ud/vedlegg/nordicreport.pdf.
À l’initiative président Ólafur Ragnar Grímsson, l’Islande organise depuis 2013 la conférence internationale Arctic Circle5http://www.arcticcircle.org/about “The Arctic Circle is designed to increase participation in Arctic dialogue and strengthen the international focus on the future of the Arctic”. autour des questions de coopération internationale. Ce forum est aujourd’hui devenu le plus grand rassemblement en Arctique, avec plus de 1 500 participants de 50 pays différents. De plus petits forums sont organisés sur des sujets spécifiques, comme en 2015 en Alaska et à Singapour, et en 2016 au Québec et au Groenland.
L’Islande et la Chine
Le partenaire le plus critiqué de l’Islande est la Chine, qui occupe à présent une place importante dans la vie économique islandaise. A la suite de la crise qui a frappé de plein fouet l’Islande en 2008, la Chine a commencé à s’intéresser de près à l’Islande et lui a fourni 500 millions de dollars en 2010 afin de reconstruire son système bancaire.
L’exemple de la relation entre la Chine et l’Islande dans le contexte des ambitions chinoises en Arctique est un cas intéressant pour comprendre l’évolution de la politique étrangère chinoise. Cherchant à s’impliquer dans une région qui pourrait s’avérer stratégiquement importante en termes de ressources et de routes maritimes, la Chine a choisi de s’engager progressivement à différents niveaux. Les liens bilatéraux et les engagements multilatéraux au sein du Conseil de l’Arctique sont des stratégies complémentaires qui permettent à la Chine de se positionner avec précautions, mais néanmoins résolument dans une zone géographique potentiellement clef pour le siècle à venir.
En avril 2012, le Premier ministre Wen Jibao s’est rendu à Reykjavik pour signer six accords bilatéraux, parmi lesquels un sur l’Arctique incluant un accord de libre-échange entre les deux pays – le premier de ce genre avec un pays européen – ainsi qu’un traité pour la coopération arctique en termes économique, scientifique, énergétique et technologique. L’Islande manque à la fois de ressources pour développer sa recherche polaire, notamment d’un brise-glaces qui lui permettrait de conduire des expéditions scientifiques dans la région du Pôle Nord. Son partenariat avec la Chine lui permet d’héberger des chercheurs chinois et de bénéficier des infrastructures chinoises avec des bénéfices mutuels. La signature d’accords de libre-échange serait peut-être une manière d’exercer une certaine pression sur les autres États arctiques. Dans le même temps, l’Islande a confirmé son soutien à la candidature chinoise au poste d’Observateur du Conseil de l’Arctique, ce qui a contribué à l’accession de la Chine à ce poste en mai 20136Hu Yinan, “Premier Puts Spotlight on Iceland Trade, Arctic Policy,” China Daily, 22 April 2012, www.chinadaily.com.cn/.
L’Islande étant une île volcanique récente à l’échelle des temps géologiques, elle ne possède pas de gisements importants d’hydrocarbures, contrairement au Groenland par exemple. La pêche est encore la principale ressource économique du pays, et un million de touristes, soit trois fois la population du pays, visitent l’île annuellement, ce qui lui assure une importante manne financière7http://www.worldpolicy.org/blog/2015/04/22/iceland%E2%80%99s-arctic-awakening. Cependant, des études géologiques ont révélé que d’importants gisements hydrocarbures offshore pourraient exister, en particulier dans la zone de Dreki, située entre l’Islande et l’île Jan Mayen. L’entreprise chinoise China National Offshore Oil Corporation (CNOOC) a signé un accord avec les entreprises Petoro et Eykon Energy en novembre 2013 pour l’exploitation du secteur de Dreki dans le plateau continental islandais.
De nombreux analystes ont répété que la Chine possède la plus grande ambassade à Reykjavik8Par exemple : Financial Times (London) 16 January 2008 http://www.ft.com/cms/s/0/0adece78-c3d8-11dc-b083-0000779fd2ac.html#axzz3zZDckWbK, ce qui est juste concernant la taille du bâtiment, mais pas à l’égard du nombre de personnel. Cet exemple met en évidence la part de mythe et de fantasmes dans la réflexion sur les liens entre la Chine et l’Arctique, que le chercheur canadien Frédéric Lasserre souligne régulièrement9http://www.diploweb.com/La-Chine-en-Arctique.html.
L’Islande et l’OTAN
Membre de l’OTAN depuis sa création, l’Islande a un accord de défense bilatéral avec les États-Unis depuis 1951, et ces derniers ont conservé une présence militaire dans le pays depuis la fin de la Seconde guerre mondiale jusqu’en septembre 2006. L’Islande est le pays qui a le plus bénéficié du plan Marshall par rapport à son nombre d’habitants, et les États-Unis ont joué un rôle-clef en construisant des infrastructures modernes, dont l’aéroport de Keflavik en 1943.
À partir du départ des troupes américaines (United States Air Force), l’Islande n’avait plus de moyens de contrôler son espace aérien. À sa demande, depuis le retrait des forces américaines de 2006, plusieurs pays européens contribuent sous l’égide de l’OTAN à la défense aérienne islandaise depuis la base de Keflavik pour s’assurer de la protection de son espace aérien. En février 2015, des bombardiers russes ont survolé à deux reprises le sud-est du pays, réactivant les anciennes frayeurs de la Guerre froide10http://icelandreview.com/news/2015/02/19/two-russian-bombers-fly-close-iceland.