La Suède a été le dernier des huit États arctiques à publier un document de stratégie pour le Grand Nord. Ce document a été rendu public le jour même où le pays a accédé à la présidence tournante du Conseil, en mai 20111http://www.government.se/sb/d/14766/a/167998.
Bien que la Suède soit un grand contributeur à la recherche polaire depuis cent cinquante ans, elle était jusque-là restée discrète sur sa politique nordique et arctique. Ce retard s’explique en grande partie par le fait que, aussi bien par son centre de gravité (près de 80% de la population suédoise habite au sud de Stockholm) que par ses pôles historiques et économiques, la Suède est nettement plus tournée vers le sud du pays. L’Arctique est d’ailleurs, depuis la fin de la présidence du Conseil de l’Arctique (2011-2013), devenu une moindre priorité de l’agenda suédois. En témoigne le fait que l’ambassadeur suédois pour l’Arctique, M. Gustaf Lind, n’est plus désormais qu’un ambassadeur à mi-temps, le gouvernement lui ayant récemment attribué le portefeuille de l’APD2« Arctique : préoccupations européennes pour un enjeu global », Rapport d’information du Sénat, André Gattolin, 2014 – http://www.senat.fr/rap/r13-684/r13-6841.pdf.
Au sein du Conseil de l’Arctique, la Suède est cependant très active, comme la Finlande et les autres États arctiques non côtiers. Elle a parfois été considérée comme un membre de second rang du Conseil, ce que les réunions du groupe informel des « Arctic Five » en 2008 à Ilulissat et 2010 au Québec ont rappelé de façon cuisante. La Suède exprime traditionnellement une attitude plus critique que la Norvège vis-à-vis de leur voisin russe. Elle s’affiche en faveur d’une véritable stratégie arctique européenne et a œuvré pour obtenir à l’UE son statut d’Observateur permanent au Conseil de l’Arctique, en vain.
Comme le montre son document stratégique, le point d’entrée suédois dans l’Arctique est celui des questions climatiques et environnementales. Lors de la réunion de Kiruna marquant la fin du mandat suédois à la tête du Conseil de l’Arctique (2013), le Conseil a adopté l’accord contraignant « Cooperation on Marine Oil Pollution »3http://arctic-council.org/eppr/agreement-on-cooperation-on-marine-oil-pollution-preparedness-and-response-in-the-arctic/ destiné à fournir un cadre aux États pour lutter contre les pollutions marines par les hydrocarbures.
En parallèle de ses actions favorables à la protection de l’environnement arctique, la présidence suédoise du Conseil a renforcé l’ouverture sur le monde économique et des entreprises. De ce point de vue, la Suède assume ses intérêts économiques liés à l’exploitation des ressources minières et énergétiques. Des trois priorités de la Stratégie arctique suédoise, la partie « Développement économique » est d’ailleurs la plus fournie et souligne le rôle de l’industrie minière en mer de Barents, pierre angulaire de l’industrie suédoise. La Suède est en effet encore le premier producteur européen de fer, notamment pour la Norrland, la région la plus septentrionale des trois régions historiques du pays. Actuellement, 88% des ressources en fer de l’UE proviennent de la région de la mer Barents4http://eeas.europa.eu/arctic_region/docs/join_2012_19.pdf.
La Suède possède la troisième plus grande flotte de brise-glaces du monde, derrière la Russie et le Canada. Dotée de six brise-glaces, dont un à la fois navire de recherche et d’escorte5http://www.sjofartsverket.se/en/Maritime-services/Winter-Navigation/Our-Icebreakers/Research-VesselIcebreaker-Oden/, elle n’a cependant pas les moyens d’un réel déploiement en Arctique. Ses brise-glaces sont inégalement qualifiés pour la recherche arctique et surveiller l’environnement marin.
Depuis les années 1990, les forces armées suédoises ont vu leurs moyens se réduire considérablement, le nombre d’avions de combat passant par exemple de 400 à moins de 100 et celui des bataillons de 116 à 64, en raison de la suppression du service militaire en 2010. L’effort de défense consenti par Stockholm ne représente plus que 1,2% du PIB6http://www.opex360.com/2013/04/26/laviation-russe-a-simule-lattaque-de-bases-militaires-suedoises/.
Avant les récentes tensions avec la Russie, le général Sverker Göranson, alors Chef d’état-major suédois, avait suscité la polémique en 2013 en affirmant que la Suède ne tiendrait pas plus d’une semaine en cas d’une attaque limitée de son territoire7http://www.lefigaro.fr/international/2013/01/15/01003-20130115ARTFIG00620-la-suede-se-decouvre-sans-defense.php. En 2013, des bombardiers russes ont simulé l’attaque de deux bases du pays8http://www.opex360.com/2013/04/26/laviation-russe-a-simule-lattaque-de-bases-militaires-suedoises/, dont une frappe nucléaire tactique.
Le gouvernement suédois a récemment changé radicalement de ton et annoncé, le 17 avril 2015, une hausse du budget de la Défense à hauteur de 10,2 milliards de couronnes (1,1 milliard d’euros) sur la période 2016-20209http://www.government.se/government-policy/defence/the-swedish-defence-bill-2016-2020/. Malgré cet accroissement sensible du budget, le pourcentage du PIB consacré à la défense devrait encore baisser compte tenu de l’excellente santé affichée par l’économie suédoise (+3,7% en 2015).
La question de l’adhésion à l’OTAN relève d’enjeux de politique intérieure ayant trait à la neutralité militaire suédoise (« libre d’alliance »), mais fait régulièrement l’objet de discussions politiques. Les principaux partis d’opposition réunis dans l’Alliance se sont déclarés pour l’adhésion en septembre 2015. Pour autant la coalition au pouvoir (Sociaux-démocrates et Verts) soutient l’approfondissement des coopérations, y compris avec l’OTAN, sans adhésion. La Suède est un partenaire très avancé du partenariat pour la paix, et participe comme la Finlande à l’Enhanced Opportunity Programme. Elle devrait également voter en faveur du « Host Nation Support » au printemps 2016 pour une mise en œuvre au 1er juillet de cette même année. La question de l’adhésion à l’OTAN, pour laquelle il existe une volonté d’organiser une approche conjointe avec la Finlande, devrait faire partie des enjeux des prochaines élections législatives prévues en 2018. Avant cette date il est improbable qu’une procédure d’adhésion soit initiée.
Il paraît cependant improbable que la Suède intègre l’OTAN en raison de sa proximité avec la Russie10« La Russie menace la Suède de « représailles » en cas d’adhésion à l’OTAN ».
http://www.opex360.com/2015/09/12/la-russie-menace-la-suede-de-represailles-en-cas-dadhesion-lotan/, qui voit cette tentation suédoise comme une « ligne rouge » qui ne pourrait être franchie à aucun prétexte. La perspective d’intégrations informelles avec l’Alliance est en revanche déjà à l’ordre du jour.