États-Unis

Après une longue période de relative indifférence à l’égard de l’Arctique, les États-Unis font preuve d’un net regain d’intérêt pour cette aire depuis trois à quatre ans, à l’image de la publication de la Stratégie nationale pour la région arctique en mai 2013. Des textes de différentes natures juridiques et politiques existaient précédemment (à l’instar de la Directive présidentielle de 2009, cf. infra), mais ils n’étaient pas accompagnés de moyens correspondants à ces ambitions, qu’il s’agisse d’investissements ou d’infrastruc­tures en Alaska, et du développement ou de l’achat de matériels spécifiques comme des brise-glaces.

Cet intérêt ravivé se concrétise avec la prise de la présidence tournante du Conseil arctique en avril 2015 par les États-Unis, pour deux ans. Le climat est l’un des trois domaines d’action de la présidence américaine du Conseil de l’Arctique (cf. infra), et l’un des axes forts de la diplomatie américaine sous la mandature de Barrack Obama. Le président américain s’est d’ailleurs rendu à Anchorage pour une Conférence1Conférence « GLACIER » ou Conference on Global Leadership in the Arctic: Cooperation, Innovation, Engagement and Resilience, organisée par le Département d’État – http://www.state.gov/e/oes/glacier/index.htm consacrée à l’Arctique les 30 et 31 août 2015. Ce déplacement fut symboliquement le premier voyage d’un Président américain en exercice au-delà du cercle polaire en Alaska. Outre des éléments extérieurs (comme l’activisme de la Russie dans le grand Nord, ou encore l’attitude « offensive » du Canada sous le gouvernement Harper), le changement de posture des États-Unis vis-à-vis de l’Arctique a connu plusieurs séquences.

La directive présidentielle de 2009 sur la sécurité du territoire national2National Presidential Directive 66/Homeland Security Presidential Directive 25 du 9 janvier 2009. précise :

« C’est la politique des États-Unis de :

  • Prendre en compte les exigences de sécurité du territoire et de la nation dans la région Arctique ;
  • Protéger l’environnement dans l’Arctique et conserver ses ressources biologiques ;
  • Assurer une exploitation des ressources naturelles et un développement économique dans la région respectueux de l’environnement ;
  • Renforcer les institutions pour la coopération entre les huit nations arctiques ;
  • Associer les populations autochtones de l’Arctique aux décisions les concernant, et
  • Accroître la recherche scientifique sur les enjeux environnementaux aux niveaux local, régional et global. »

Cette politique est sommairement reprise dans la Stratégie de Sécurité nationale3National Security Strategy, May 2010 (page 50) https://www.whitehouse.gov/sites/default/files/rss_viewer/national_security_strategy.pdf

de 2010. Toutefois, en dépit de ces intentions présidentielles qui précisaient explicitement dans le NSPD66 « Develop greater capabilities and capacity, as necessary to protect US air, land and sea borders in the Arctic region », les États-Unis ont mis du temps à déployer des moyens dans cette zone.

La dérive d’une plate-forme de la société Shell près des côtes de l’Alaska en janvier 2013, rappelant l’incident de Deepwater Horizon dans le Golfe du Mexique, va servir de révélateur. Le rapport du Département de l’Intérieur statue : « The United States has a leading role among Arctic nations in establishing appropriately high standards for safety environmental protection and emergency response governing offshore oil and gas exploration in the Arctic Ocean. »

Le vide stratégique va être progressivement comblé en mai 2013 par la parution d’une Stratégie Nationale pour la région Arctique4National Strategy for the Arctic Region (NSAR) May 2013 https://www.whitehouse.gov/sites/default/files/docs/nat_arctic_strategy.pdf qui fixe trois axes d’effort et quatre principes de référence. Les trois axes d’effort sont les suivants :

  • Promouvoir les intérêts de sécurité des États-Unis pour protéger le peuple américain, ses droits et sa souveraineté ainsi que ses ressources naturelles. À cette fin, les États-Unis développeront et maintiendront les capacités nécessaires en cohérence avec l’évolution des activités humaines et commerciales dans la zone, augmenteront leur connaissance du domaine Arctique, préserveront la liberté des mers dans l’Arctique en cohérence avec les lois internationales et assureront la sécurité des futures ressources d’énergie pour le pays ;
  • Poursuivre une gestion responsable de l’Arctique en protégeant l’environnement, en utilisant un processus de décision basé sur les données scientifiques et une étroite coordination entre les acteurs, en développant la recherche pour une meilleure compréhension des phénomènes dans la région et en établissant une cartographie ;
  • Accroître la coopération internationale en travaillant avec les autres nations Arctique au développement de nouveaux mécanismes de coordination, en promouvant les intérêts américains au Conseil de l’Arctique, en accédant à la Convention sur le Droit de la mer et en coopérant avec les autres parties intéressées.

Ces engagements et ces activités dans la zone reposent également sur quatre principes : sauvegarder la paix et la stabilité dans la région, fonder les décisions sur les connaissances scientifiques les plus avancées ainsi que les savoirs traditionnels en partageant ces informations, poursuivre l’innovation pour répondre aux besoins de la région par des partenariats à la fois publics-privés et internationaux, consulter et se coordonner avec les populations autochtones de l’Alaska.

Cette stratégie fait l’objet d’un plan de mise en œuvre publié en janvier 20145Implementation Plan for the NSAR January 2014 –
https://www.whitehouse.gov/sites/default/files/docs/implementation_plan_for_the_national_strategy_for_the_arctic_region_-_fi….pdf
 et d’un rapport annuel chargé de rendre compte de son application. Le premier rapport a été publié en janvier 20156Report on implementation of the NSAR January 2015 https://www.whitehouse.gov/sites/default/files/docs/report_on_implementation_of_the_national_strategy_for_the_arctic_region_….pdf.

En 2014, une planification des infrastructures prioritaires à réaliser à l’horizon 2025 a été lancée dont la coordination a été confiée au Département des Transports. Cela concerne les installations d’aviation, les télécommunications (NTIA7National Telecommunications and Information Administration. Département du Commerce. ), l’utilisation de drones aériens (UAS8Unmanned Aircraft Systems. ) pour la surveillance maritime et du LRIT, les améliorations nécessaires à l’utilisation de l’AIS ainsi qu’une évaluation de la surveillance par satellite. Un plan à long terme des capacités nécessaires (brise-glaces) pour intervenir en zone Arctique sera réalisé pour la fin 2017. Des exercices seront régulièrement programmés dont les scénarios prendront en compte les différents risques (SAR, pollution, navigation…). Le suivi scientifique des conditions océanographiques et leur interaction avec l’atmo­sphère, le suivi de la biologie marine, de l’écosystème terrestre, la cartographie et l’hydrographie sont lancés. Le Département de la Défense est chargé d’améliorer les prévisions en matière de suivi des glaces. La coopération internationale sera recherchée en matière de lutte contre la pollution, de SAR, de lutte contre la pêche illégale, d’identification des espèces invasives, de limitation des émissions polluantes par les navires et pour un accord à l’OMI sur le Code Polaire.

Le rapport de 2015 fait état des avancées réalisées. Un point sur l’évolution du trafic transitant par le Détroit de Béring évalue le trafic à 240 passages, ce qui reste très faible par rapport au Canal de Suez ou de Panama, mais il est en augmentation. Les projections à 10 ans varient entre 75% et 420% d’augmen­tation. Une amélioration de la sécurité du transport aérien a été réalisée par le déploiement de 33 stations d’information sur le trafic et la météo (ADS‑B) et 4 stations de surveillance (ATC). Un rapport du NTIA sur la situation des télécommunications a été publié en mai 2015. L’exercice « Operation Arctic Shield 2014 » a été l’occasion de tester un drone et un aérostat pour la surveillance avec des résultats mitigés pour les deux engins. Ces tests ont été poursuivis lors de l’exercice 2015.

Des éoliennes et des panneaux solaires seront testés pour la fourniture d’énergie. Un programme de recherches océanographiques sur les écosystèmes re­groupant plusieurs organismes a été lancé sur la période 2014-2019. Plusieurs autres programmes de recherche sont lancés sur la lutte contre la pollution par hydrocarbures dans l’environnement Arctique et sur l’utilisation des hydrates, en particulier l’hydrate de méthane. Des travaux scientifiques sur le suivi et la prédiction des glaces sont réalisés par la NASA et l’ESA (CryoVex) en utilisant des aéronefs et des satellites. La France participe au Belmont Forum où les scientifiques peuvent échanger leurs observations. La NOAA9National Oceanic and Atmospheric Administration. a commencé ses travaux hydrographi­ques et sondé 953 milles le long des côtes en 2014 et 483 milles en 2015, dont le passage du détroit de Béring.

Bien que rappelée dans chaque rapport, la ratification de la Convention de Montego Bay reste le point faible de cette stratégie dans la mesure où le Sénat américain s’y oppose depuis des années, malgré les demandes de nombreuses organisations10« Managing the future of a rapidly changing Arctic » Département de l’Intérieur – Rapport du groupe de travail interministériel au Président des États Unis – Mars 2013 https://www.doi.gov/sites/doi.gov/files/migrated/news/upload/ArcticReport-03April2013PMsm.pdf et de plusieurs Présidents, privant ainsi les États-Unis des outils diplomatiques et légaux pour faire valoir leurs droits, en particulier concernant l’extension possible de leur plateau continental au nord de l’Alaska.

Les États-Unis ont pris la Présidence du Conseil de l’Arctique en avril 2015 avec trois objectifs :

  • Améliorer l’économie et les conditions de vie pour les communautés arctiques ;
  • La sécurité, la sûreté et l’administration dans l’océan Arctique ;
  • Prendre en compte les impacts du changement climatique.

Deux Task Forces ont été créées sur la coopération Marine en Arctique et sur les Télécommunications.

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1. Conférence « GLACIER » ou Conference on Global Leadership in the Arctic: Cooperation, Innovation, Engagement and Resilience, organisée par le Département d’État – http://www.state.gov/e/oes/glacier/index.htm
2. National Presidential Directive 66/Homeland Security Presidential Directive 25 du 9 janvier 2009.
3. National Security Strategy, May 2010 (page 50) https://www.whitehouse.gov/sites/default/files/rss_viewer/national_security_strategy.pdf
4. National Strategy for the Arctic Region (NSAR) May 2013 https://www.whitehouse.gov/sites/default/files/docs/nat_arctic_strategy.pdf
5. Implementation Plan for the NSAR January 2014 –
https://www.whitehouse.gov/sites/default/files/docs/implementation_plan_for_the_national_strategy_for_the_arctic_region_-_fi….pdf
6. Report on implementation of the NSAR January 2015 https://www.whitehouse.gov/sites/default/files/docs/report_on_implementation_of_the_national_strategy_for_the_arctic_region_….pdf
7. National Telecommunications and Information Administration. Département du Commerce.
8. Unmanned Aircraft Systems.
9. National Oceanic and Atmospheric Administration.
10. « Managing the future of a rapidly changing Arctic » Département de l’Intérieur – Rapport du groupe de travail interministériel au Président des États Unis – Mars 2013 https://www.doi.gov/sites/doi.gov/files/migrated/news/upload/ArcticReport-03April2013PMsm.pdf