Norvège

La promotion active d’une vision circumpolaire de l’Arctique

La Norvège a depuis longtemps la politique la plus proactive de tous les pays occidentaux de la région (désormais avec le Canada), et se singularise par un effort budgétaire de défense qui reste en croissance, malgré des réaménagements d’acquisition de matériels. Elle a manifesté son regain d’intérêt pour l’Arctique par une Stratégie pour le Grand Nord au niveau intergouvernemental en 2006 (mise à jour en 2009) et la Déclaration de Soria Moria (2007), suivies d’un nouveau concept de défense, Capable Force (2009), et d’un Livre blanc (2013).

La Norvège souffre cependant d’un positionnement et d’aspirations contradictoires, entre une véritable préoccupation environnementale pour l’Arctique d’un côté (en premier lieu pour l’archipel du Svalbard), et une économie (balance commerciale, PIB…) largement soutenue par l’exportation d’hydrocarbures de l’autre. Plus de 98% de l’électricité consommée en Norvège est hydroélectrique, mais le pays est dans le même temps le 3ème exportateur mondial de gaz, et suivant les années, entre le 3ème et 8ème exportateur mondial de pétrole. Si sa volonté de rechercher des modes pacifiques de résolution des différends ou de protéger l’environnement n’est pas à remettre en cause, la Norvège fait de l’exploitation des sols et sous-sols dans sa ZEE, y compris arctique, une priorité. Les initiatives récentes visant à clarifier la frontière maritime avec la Russie (2010) ont permis de mettre fin à toute contestation à l’encon­tre des frontières maritimes d’Oslo, ce qui était le préalable à des ambitions de prospection ou d’ex­ploitation d’hydrocarbures. Le ministre norvégien du Pétrole, Ola Borten Moe, a exprimé fin août 2012 son intention d’initier la prospection dans le sud-est de la mer de Barents, avant d’être désavoué par le Premier ministre Jens Stoltenberg. Le ministre du Pétrole ne voyait également pas d’objection à prospecter « presque jusqu’au pôle Nord »1Truc Olivier, « L’État norvégien divisé au sujet des forages en Arctique », Le Monde, 3 septembre 2012.. La compagnie pétrolière nationale Statoil annonçait au même moment (août 2012) le triplement de ses budgets consacrés aux technologies d’exploration de ressources en hydrocarbures en Arctique. Depuis, la campagne d’exploration menée par Statoil en 2014 en mer de Barents a été décevante (et aucun forage en 2015)2http://www.bloomberg.com/news/articles/2015-11-23/statoil-sees-more-norway-oil-exploration-cuts-amid-arctic-halt. De nouveaux forages devraient être tentés en 2017 en mer de Barents et en mer du Nord. En Alaska, la compagnie norvégienne a renoncé à ses licences d’explorations (novembre 2015)3http://www.nytimes.com/2015/11/18/business/energy-environment/statoil-to-depart-chukchi-sea-latest-to-drop-alaska-efforts.html?_r=0 dans le sillage de Shell, après les forages insuffisamment fructueux menés par cette dernière.

La crise ukrainienne a replacé au centre de l’atten­tion norvégienne la question de la sécurité nationale. Si la Russie n’est pas considérée comme une menace militaire directe, elle « n’est plus un partenaire »4LUNDE SAXI Hakon (entretien), « Bilan de la défense norvégienne et de ses capacités », TTU, 12 mars 2015, http://www.ttu.fr/bilan-de-la-defense-norvegienne-et-de-ses-capacites/. Le budget de la Défense, déjà en hausse de 3,4% entre 2014 et 2015, devrait augmenter de 9,8% en 2016 par rapport à 2015, pour atteindre 5,245 milliards d’euros. Cette préoccupation pour la sécurité nationale recoupe l’intérêt politique porté à la zone arctique. « L’Arctique est la priorité la plus importante de la politique étrangère de la Norvège. Le gouvernement continuera à donner une haute priorité aux efforts de la Norvège dans l’Arctique en 2016 » déclare ainsi le ministre norvégien des Affaires étrangères, Børge Brende5http://www.norvege.no/News_and_events/policy/Les-activites-de-la-Norvege-dans-lArctique/#.VsDUVreFO7Q en 2015. Depuis 2005, la Norvège adopte une attitude particulièrement proactive pour promouvoir auprès de tout type d’interlocuteurs (scientifiques, Union européenne, leaders d’opinion…) une vision circumpolaire de l’Arctique, comme introduit dans la révision de 2009 de la « Stratégie pour le Grand Nord du Gouvernement norvégien ».

C’est donc assez logiquement que ces deux questions, la sécurité nationale et l’Arctique, se rejoignent. Plus concrètement, la politique norvégienne de sécurité en Arctique consiste à rechercher en permanence le barycentre entre trois pôles : l’Union européenne, la Russie, et l’OTAN.

Les multiples appels norvégiens (et islandais dans une moindre mesure) pour une présence accrue de l’OTAN en Arctique permettent d’apprécier le niveau de méfiance qu’inspire la Russie à Oslo, malgré des échanges politiques et diplomatiques en apparence toujours cordiaux entre les deux pays. L’amiral norvégien Haakon Bruun-Hanssen déclarait ainsi en octobre 2015 : « They [Russians] have shown that they are willing to use military force to achieve political ambitions »6http://ca.reuters.com/article/topNews/idCAKCN0RV4R820151001.

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