Bulletin Janvier 2020 – États observateurs – Union européenne

L’Estonie dépose sa candidature au statut d’Observateur du Conseil de l’Arctique

 Le 14 novembre 2019, l’Estonie a annoncé sa candidature pour obtenir le statut d’État observateur au Conseil de l’Arctique. Premier pays balte à exprimer une telle demande, elle fonde sa candidature autour de trois piliers : la science, l’économie et la sécurité.

A la suite d’une réunion ministérielle le 14 novembre 2019, le ministre des Affaires étrangères Urmas Reinsalu a annoncé que l’Estonie posait sa candidature afin d’obtenir le statut d’État observateur au Conseil de l’Arctique (CA). Alors qu’une telle candidature était en préparation depuis plusieurs années, l’Estonie devient le premier pays balte à exprimer officiellement son souhait de devenir Observateur. Depuis sa création en 1996, le Conseil de l’Arctique a accepté la candidature de treize États, le dernier en date étant la Suisse en 2017. L’Estonie motive sa demande au titre de sa proximité géographique avec l’Arctique et de la situation géopolitique de celui-ci : « En tant que pays non-arctique le plus au nord et en raison de sa localisation, l’Estonie est directement affectée par les enjeux géopolitiques croissants en Arctique, et c’est pourquoi nous devons être inclus dans les discussions et la résolution des problèmes », déclare Urmas Reinsalu. Un tel argument autour des questions géopolitiques est novateur pour une candidature au statut d’État observateur, alors que le Conseil de l’Arctique n’a pas vocation à traiter des sujets autres que l’environnement et la coopération régionale. Le ministre ajoute : « Pour assurer le développement durable de l’Arctique, il faut une coopération entre les États et un appui politique important. Les États de l’Arctique ne devraient pas en assumer seuls la tâche, mais inclure également les pays et les organisations internationales proches de l’Arctique ».

La candidature de l’Estonie repose sur trois piliers, dont la science au premier rang. Le ministère des Affaires étrangères estonien affirme ainsi que le statut d’observateur pourrait permettre aux scientifiques polaires estoniens d’obtenir plus de financements et de participer aux six groupes de travail du Conseil de l’Arctique. L’Estonie met ainsi en avant l’ancienneté et la qualité de sa recherche scientifique en Arctique. Le deuxième pilier de la candidature estonienne est l’économie. L’Estonie exprime son souhait de développer des activités économiques en Arctique, en particulier de pêche, de logistique et d’économie verte. Mais le développement estonien à destination de l’Arctique se tourne davantage vers les pays scandinaves, tous membres du CA. En particulier, deux projets ferroviaires reliant Tallinn et Helsinki permettraient d’augmenter les échanges entre l’Estonie et la région nordique. Le premier, « FinEst Link », est un projet ferroviaire public financé par l’Union Européenne et les États estonien et finlandais. Le second, « FinEst Bay Area Development », est un projet privé porté par l’entrepreneur Peter Vesterbacka et financé par un fonds d’investissement chinois. Ainsi, intégrer le Conseil de l’Arctique serait un symbole fort de la part de l’Estonie à destination des pays scandinaves. Dans le cadre de sa stratégie pour 2030, le pays cherche à développer ses liens avec de nouveaux espaces de coopération régionale. Le troisième pilier de la candidature estonienne est la sécurité. En intégrant le Conseil de l’Arctique, l’Estonie se rapprocherait d’un ensemble de pays membres de l’OTAN alors même qu’elle exprime ses inquiétudes face à la montée en puissance russe. La Russie, membre du Conseil de l’Arctique, participera à la décision d’accepter ou non la candidature estonienne, qui sera rendue en mai 2021.

Lars-Gunnar Wigemark remplace Marie-Anne Coninsx
au poste d’ambassadeur européen pour l’Arctique

Le 25 novembre 2019, lors de l’Arctic Futures Symposium, Lars-Gunnar Wigemark a été annoncé comme le successeur de Marie-Anne Coninsx, qui avait occupé le poste d’ambassadeur européen depuis sa création en 2017. Celle-ci a porté la stratégie européenne en Arctique autour de trois axes : lutter contre le changement climatique en Arctique, promouvoir le développement durable dans la région, développer la coopération autour des enjeux arctiques.

L’ambition européenne en Arctique est notamment matérialisée depuis septembre 2017 par la création d’un nouveau poste d’« ambassadeur extraordinaire » européen dédié spécifiquement à la région arctique. Il s’agit de la seule représentation diplomatique européenne auprès d’une région entière et non auprès d’un pays ou d’une organisation internationale. La création d’un ambassadeur européen dédié à l’Arctique, qui fait suite à la publication de la première politique européenne pour la région en 2016, marque la volonté de l’UE de peser davantage sur la scène diplomatique arctique. Durant sa prise de fonction Marie-Anne Coninsx a porté la stratégie arctique européenne autour de trois piliers, qu’elle expose en détail dans l’édition 2019 de la European Foreign Affairs Review dans un article intitulé « The European Union: A Key and Reliable Partner in the Arctic and Beyond » :

1 – Lutter contre le changement climatique en Arctique, qui est plus intense dans la région qu’ailleurs dans le monde, et qui menace directement le territoire européen. La réponse de l’UE se trouve dans la science, la recherche et l’innovation, et en particulier, dans la coopération scientifique internationale ;

2 – Promouvoir le développement durable dans et autour de la région. La formule concerne finalement surtout les intérêts économiques européens en Arctique, et l’UE propose de développer des activités économiques dans la région respectant les enjeux environnementaux et sociaux ;

3 – Améliorer la coopération internationale autour des enjeux arctiques, arguant que leurs solutions ne peuvent être trouvées qu’à l’échelle internationale. Marie-Anne Coninsx insiste sur l’active participation européenne à la coopération en Arctique, tant dans le Conseil de l’Arctique (« l’UE participe activement au CA, le premier, mais pas le seul forum pour la coopération internationale dans la région en, par exemple, contribuant au travail de groupes de travail adéquats »), qu’auprès d’États arctiques (« qui ont la responsabilité première pour faire face aux enjeux sur leur territoire »). Elle revendique une coopération inclusive dans la région, qui devrait se développer vers de nouveaux acteurs, et vers les populations autochtones. Cette vision a été confirmée par l’organisation, lors du Forum EUArctic à Umeå en octobre, d’une journée complète de discussions autour des enjeux autochtones dans l’Arctique européen.

Marie-Anne Coninsx affirme, dans cet article et dans un entretien auprès de High North News, que la stratégie européenne en Arctique lancée en 2016 est datée et qu’elle devrait être remplacée par une nouvelle édition, qui mettrait davantage l’accent sur les enjeux géo-économiques et géostratégiques dans la région (voir bulletin n°6). La nomination de Lars-Gunnar Wigemark, ancien ambassadeur européen en Bosnie-Herzégovine, laisse présager quelques modifications à la politique menée par Marie-Anne Coninsx depuis 2017. Et la nomination d’un Suédois à ce poste participe au renforcement de l’identité européenne en Arctique, qui repose surtout sur la présence de pays scandinaves, membres du CA, dans l’Union : « l’UE est une entité arctique, des parties de l’UE faisant partie de l’Arctique ».

La Dimension Septentrionale, un programme clef de la coopération entre l’Europe et la Russie, sous l’impulsion finlandaise

À l’occasion du 20e anniversaire du programme Dimension Septentrionale (« Northern Dimension ») de la politique extérieure européenne, trois conférences ont été organisées sous l’égide de la présidence finlandaise du Conseil de l’Union européenne, réunissant la Norvège, la Finlande, l’Islande, la Russie, les pays baltes et l’UE.

Les 19 et 20 novembre 2019 a été organisé le 6e Forum Parlementaire de la Dimension septentrionale à Bodø. La Dimension septentrionale est un programme de l’Union européenne intégré à sa politique de voisinage, visant à développer la coopération régionale et économique entre les pays d’Europe du Nord, membres de l’UE, et la Norvège, l’Islande et la Russie. Initiée en 1999 sous l’initiative finlandaise, elle devient formellement en 2006 une politique commune entre ces États autour des questions d’environnement, de santé, de transport et de culture. Le Forum de 2019 était quant à lui particulièrement consacré à la coopération dans le domaine du transport maritime international, de la sécurité maritime, de l’environnement, du tourisme, de la santé et du bien-être des populations. Le Forum a été l’occasion de rappeler l’urgence climatique et la nécessité de développer des actions de luttes communes, et de prendre en compte la parole des populations autochtones. La question de la crise antibiotique, c’est-à-dire la résistance accrue des populations aux antibiotiques, a également été abordée.

Dans la continuité de cette réunion et de sa présidence du Conseil Européen, la Finlande a organisé le 26 novembre à l’Université d’Aalto le séminaire « Northern Dimension Future Forum », réunissant des experts, des personnalités politiques et des citoyens pour poursuivre les discussions lancées à Bodø. Le séminaire était consacré au développement durable pour le bien-être et la santé des populations ainsi qu’aux nouvelles technologies, intitulé « Fresh and Sustainable Experiments on the Global North ».

Puis, le 29 novembre, la Finlande a tenu à Helsinki la conférence « A clean and Global North », sous l’égide du Service européen pour l’action extérieure et la Commission Européenne, dédiée au changement climatique et à la protection de l’environnement, en particulier dans la mer Baltique.

Alors que les relations entre l’Union européenne, la Norvège et la Russie demeurent tendues, la Dimension septentrionale reste un espace privilégié de dialogue régional.

Internet et la 5G, au cœur de la politique chinoise en Arctique : source de coopération et de tensions avec les pays scandinaves

Le quotidien danois Berlingske a récemment révélé que les autorités chinoises auraient fait pression sur le gouvernement danois et les autorités féringiennes pour obtenir le contrat 5G sur les îles Féroé. Les compétences de la Chine en matière de technologies numériques sont devenues un véritable instrument de sa politique en Arctique.

Les révélations du Berlingske ont fait grand bruit au Danemark et au-delà, alimentant les inquiétudes quant au développement de la présence de la Chine dans le monde grâce à ses compétences technologiques, notamment dans l’Arctique scandinave. Ainsi, l’ambassadeur chinois en Arctique Feng Tie aurait menacé le gouvernement danois de mettre fin à leur accord de libre-échange pour le saumon féringien si l’entreprise Huawei n’obtenait pas le contrat 5G aux îles Féroé. Si l’information a été démentie par les autorités danoises et Huawei, elle fait écho d’après les commentateurs aux réticences exprimées par les États-Unis, qui voient dans la 5G un cheval de Troie chinois en Europe.

La 5G, et de manière générale les télécommunications, sont devenues un outil diplomatique et économique à part entière de la politique de la Chine en Arctique. Sa coopération avec les pays scandinaves notamment est depuis récemment alimentée par les projets d’installation du réseau 5G en Europe du Nord, qui permettrait de multiplier par 100 le débit internet et d’utiliser de nouvelles technologies encore inaccessibles. Or, comme l’explique le rapport « Intensifying great power politics in the Arctic – Points for consideration by the Kingdom of Denmark » de la DIIS (voir « Publications des instituts de recherche sur l’Arctique »), l’installation du réseau 5G est à la fois source de coopération et de tensions entre la Chine et les pays scandinaves. En Norvège par exemple, les entreprises nationales ont fait entendre leurs inquiétudes alors que Huawei est visée par des accusations d’espionnage du gouvernement américain. L’intervention de Michael Delaunay, doctorant associé au CEARC, au colloque « Politiques de l’Arctique en perspectives », organisé les 18 et 19 décembre au CERI – Sciences Po, développe cette idée de « Route de la soie numérique » chinoise en Arctique. Ainsi par exemple, la Chine développerait un projet d’installation de câbles de télécommunications 4G dans le Grand Nord canadien, encore marqué par son enclavement numérique.

Ce que nous dit le discours de la Chine sur le trafic de transit dans l’Arctique

Le réchauffement climatique et ses conséquences sur l’étendue des glaces dans l’Arctique ont ouvert de nouvelles perspectives d’accès aux ressources, essentiellement énergétiques, et d’ouverture de nouvelles voies de communication maritimes reliant l’Atlantique nord et l’Asie. Pour la Chine, première puissance commerciale dans le monde, dont l’Union européenne constitue le premier marché, ces opportunités apparaissent comme particulièrement prometteuses. L’intérêt de la Chine ne correspond toutefois pas à une véritable logique économique et, contrairement au Japon, Pékin maintient sa présence dans la zone pour des raisons d’affirmation de puissance et de consolidation d’alliance avec la Russie.

L’intérêt de la Chine pour la Route maritime nord

L’intérêt de la route du Nord – dont le ministère chinois du Commerce extérieur note qu’elle pourrait être libre de glace de trois à cinq mois par an –, de par ses avantages en matière de réduction des coûts et du temps de transport entre l’Europe et l’Asie, fait partie du discours chinois sur l’Arctique. Les analyses rappellent qu’entre Shanghai et Mourmansk, la distance est inférieure de 6 400 km par la route du Nord par rapport à celle du Canal de Suez[1]. Au-delà de ces intérêts économiques, au niveau stratégique, la route du Nord est également présentée comme plus sûre, échappant à la toute-puissance des États-Unis, qui contrôlent les voies de communication maritime dans l’océan Indien, aux risques d’instabilité au Moyen-Orient, à la piraterie et aux risques liés aux Détroits. Reflétant cet enthousiasme, en 2013, Yang Huigen, président de l’Institut des pôles de Chine, a déclaré qu’en 2020, de 5 à 15% du commerce international de la Chine transiterait par la route du Nord. Alors que le Yongsheng (COSCO), premier bâtiment étranger, effectuait sa première traversée de Dalian à Hambourg par la voie du Nord en 2013, le China Daily déclarait également que « l’ensemble du secteur du transport maritime en serait transformé ». En 2018, COSCO, entreprise d’État, annonçait la construction de trois nouveaux bâtiments de transports polyvalents adaptés aux conditions glaciaires de 36 000 DWT.

La China Arctic Policy, publiée en 2018, comporte également de longs développements sur le transit commercial par la route maritime du Nord, l’un des quatre fondements de la politique chinoise pour l’Arctique.

Une réalité beaucoup plus limitée

Derrière ces perspectives mises en avant par Pékin, la réalité du trafic de transit de la route du Nord est beaucoup plus limitée en tonnage, en contenu et en nombre de passages. COSCO est la seule compagnie non-russe à fournir une offre régulière de transit le long de la route du Nord, mais le nombre de passages est moins nombreux que les chiffres espérés. Il y a eu un passage en 2013, un en 2014, deux en 2015, six en 2016, cinq en 2017 puis 8 en 2018. Au cours de cette période, seul le Tianhui a effectué un transit complet entre la Chine et l’Europe à trois reprises.

En 2019, des chiffres-records de 29 millions de tonnes transportées le long de la voie du nord ont été annoncés, mais le fret est constitué à plus de 55% par du GNL en provenance de Yamal[2]. L’entreprise chinoise COSCO n’a transporté que 442 000 tonnes de marchandises pour la période allant de janvier à octobre 2019. Jusqu’en 2019, 90% du fret transporté par la compagnie chinoise était constitué de matériel de construction pour le terminal de Yamal. En 2019, un premier bâtiment, le Tian En, a toutefois effectué un transport de mâts d’éoliennes pour la Grande-Bretagne.

Le réalisme du ministère chinois du Commerce extérieur

Le ministère chinois du Commerce extérieur met en avant plusieurs raisons qui expliquent le faible développement du commerce de transit le long de la route du Nord[3]. Le coût modéré du pétrole ne favorise pas l’utilisation de nouvelles routes difficiles d’accès dans le seul objectif d’économiser l’énergie consommée.

Si le réchauffement climatique est une réalité, l’état des glaces et les périodes de possible passage demeurent incertaines, interdisant la mise en place de lignes véritablement opérationnelles pour des biens de consommation dont les délais de livraison doivent être respectés.

Le manque d’infrastructures telles que routes, voies de chemin de fer, hôtels, quais de débarquement, et donc de marchés le long de la route du Nord, constitue pour Pékin un autre handicap. Ceci d’autant plus que les retours d’Europe par cette voie se font à vide. De plus, les principaux centres de production de Chine se situent près des ports du centre et du Sud (Shanghai, Ningbo, Guangzhou, Shenzhen), pour lesquels la route du Nord n’offre aucun avantage de coût.

La politique russe de contrôle de la route du Nord est également mise en avant. Depuis 1932, l’Administration russe de la route du Nord préserve sans concession la souveraineté de l’URSS, puis de la Russie sur cet espace stratégique. La Russie a le monopole du transport du gaz et du pétrole le long de la route du Nord. Tous les cargos étrangers, essentiellement des vraquiers, doivent faire appel aux brise-glaces et à des pilotes russes. Enfin, la politique tarifaire de la Russie – même si des progrès sont notés par les autorités chinoises – demeure dissuasive.

Les délais d’autorisation de passage par la Russie demeurent également très longs. Si COSCO annonçait au mois de mars un nombre record de passage d’une quinzaine de bâtiments en 2019, seuls sept ont reçu une autorisation, dont six appartenant à COSCO[4].

Enfin, la question environnementale est également soulevée. La compagnie COSCO a refusé de répondre aux questions d’ONG concernant la qualité du fuel utilisé pour ses navires[5].

Une analyse partagée au Japon

Le Japon partage les mêmes analyses. Si, lors de la conférence « Arctic Frontiers » en 2018, l’Ambassadeur du Japon pour les questions de l’Arctique Keiji Iide parlait d’un intérêt « considérable » pour la roue du Nord, les positions sont en réalité beaucoup moins enthousiastes. La Japan Arctic Policy publiée en 2015 mentionne 7 points d’intérêt, la « recherche d’une possible exploitation économique de la route maritime de l’Arctique » n’apparaît qu’en septième position, avec l’exploitation des ressources énergétiques. La conclusion officielle est que « la route de l’Arctique n’est pas encore accessible à un usage régulier sûr et fiable » et qu’aucun bénéfice ne peut en être attendu à court ou moyen terme. Le document japonais insiste tout particulièrement sur les coûts environnementaux d’une exploitation intensive et ne mentionne pas d’une manière aussi approfondie, contrairement à l’analyse chinoise du ministère du Commerce extérieur, le contrôle de la Russie.

Les entreprises japonaises de transport maritime, contrairement à COSCO qui poursuit son exploitation en dépit d’une rentabilité quasi inexistante, ne divergent pas de cette analyse. Elles soulignent l’absence de logique économique, et le coût très élevé du transit. La Chine – et les entreprises d’État chinoises – ont donc des motivations qui l’emportent sur la logique économique, bien que la présence continue de la Chine dans la région soit pour une large part assurée par la ligne ouverte par l’entreprise COSCO.

Les motivations réelles de la Chine pour l’exploitation de la voie maritime du Nord

L’exploitation de la route maritime du Nord pour un trafic de transit non rentable s’inscrit en réalité dans une logique d’affirmation de puissance et de consolidation des liens avec la Russie, quel qu’en soit le coût pour la RPC et les entreprises d’État.

Les entreprises d’État, sous l’autorité de la SASAC[6], constituent la ligne de front de la mise en œuvre de la BRI, projet phare de la présidence Xi Jinping depuis 2013. En 2017, l’Arctique est qualifiée de « Blue Economic Passage » dans le document « Vision for Maritime Cooperation under BRI »[7]. Le discours sur l’exploitation de la route du Nord, en dépit de son absence d’intérêt économique réel, permet donc de renforcer le contenu de la BRI tout en marquant la présence de la Chine dans une zone où Pékin veut jouer un rôle significatif, en mobilisant la plus importante entreprise d’État, qui impose la présence chinoise dans de nombreux ports le long des routes maritimes de la soie.

Enfin, l’exploitation de la route du Nord répond également aux attentes de la Russie, et permet de consolider le partenaire stratégique de Pékin face aux États-Unis. En 2017, la Chine et la Russie ont signé un accord de coopération visant à mieux intégrer la route du Nord aux projets de la BRI ; Moscou craignant en effet de ne recevoir aucun bénéfice direct des projets chinois de « ceinture » passant par l’Asie centrale et de « route maritime de la soie » entre la mer de Chine et l’océan Indien. En 2019, lors du forum de Pékin sur la BRI, Vladimir Poutine a rappelé qu’il attachait une grande importance à cet objectif[8].

Comme dans d’autres secteurs, les motivations qui président aux choix de la Chine sont donc complexes et ne répondent pas à une logique exclusivement économique. La présence chinoise dans le trafic de transit le long de la route du Nord sera donc poursuivie ou renforcée, au service d’une stratégie de puissance qui s’affranchit des contraintes économiques grâce au rôle de l’État et des entreprises d’État. La Chine demeurera sans doute pour une longue période le seul acteur non russe à s’investir d’une manière significative dans un secteur qui offre des perspectives de développement limitées en dépit des promesses du réchauffement climatique.

Semaine du partenariat de l’Arctique 2019 à Busan, Corée du Sud

La 4ème édition de la Semaine du partenariat de l’Arctique a eu lieu à Busan du 9 au 13 décembre. Rassemblant de nombreux acteurs de la région, notamment des Européens, un des accents était mis sur la coopération économique dans la région. Un MoU avec la Norvège a été signé en marge de l’événement.

La Semaine du partenariat de l’Arctique[9] a eu lieu à Busan, en Corée du Sud, du 9 au 13 décembre 2019. Sous la présidence conjointe du Ministère des Océans et des Pêches et du Ministère des Affaires étrangères, l’événement était organisé par le Korea Maritime Institute (KMI) et le Korea Polar Research Institute (KOPRI). Si la présence américaine était presque inexistante, les Européens étaient représentés en nombre, notamment au niveau des ambassadeurs.

Cette Semaine est l’occasion pour les acteurs coréens de multiplier les événements en lien avec l’Arctique à l’instar du 8ème Forum sur la politique arctique (avec la présence d’Einar Gunnarsson, président des Senior Arctic Officials du Conseil de l’Arctique et d’Anu Fredrikson, directrice de l’Arctic Economic Council), du 8ème Séminaire international sur la navigation dans l’Arctique (marqué par la présence de nombreux représentants russes de haut niveau), d’un Séminaire sur la coopération internationale en matière de sciences et de technologies dans l’Arctique, ou encore d’un Séminaire « KoARC » représentant le Korea Arctic Research Consortium, un réseau d’institutions, d’universités et d’industries sur la recherche dans l’Arctique. Les aspects de coopération économique, notamment sur des thématiques diverses comme les brise-glaces, le GNL et les routes maritimes de l’Arctique, ont été mis en avant.

Cette édition est particulièrement significative car elle marque le 20ème anniversaire de la recherche coréenne dans l’Arctique et le 60ème anniversaire des relations diplomatiques entre la Corée et les principaux pays nordiques comme la Norvège, le Danemark et la Suède, qui ont directement participé à l’organisation de l’événement. Notons que ce 60ème anniversaire a permis à Séoul de multiplier les annonces de coopération en Arctique avec ces pays européens au cours de l’année. Un MoU avec la Norvège visant à accroître la coopération institutionnelle en Arctique a été signé en marge de l’événement, et rassemble notamment 7 instituts partenaires.

 

[1] 中华人民共和国商务部,北极航道商业化运营的前景,11-09-2013.

[2] https://thebarentsobserver.com/en/arctic-industry-and-energy/2019/10/shipping-northern-sea-route-40

[3]中华人民共和国商务部,北极航道商业化运营的前景,11-09-2013.

[4] Northern Sea Route Administration of Russia, nsra.ru/en/rossmotrenie

[5] « Clean Arctic Alliance Asks COSCO What Fuel it Uses », hfofreearctic.org, 12 août 2019.

[6] State-Owned Assets Supervision and Administration Commission, en charge des entreprises d’État.

[7] http://www.xinhuanet.com//english/2017-06/20/c_136380414.htm L’autre « passage » dont la dimension est autant stratégique qu’économique est celui qui relie la mer de Chine méridionale au Pacifique sud en passant par l’Océanie.

[8] Discours de Vladimir Poutine au Forum de Pékin sur la BRI sur kremlin.ru, 27 avril 2019.

[9] Parmi les nombreux partenaires : Busan City, Youngsan University(YSU), National Institute of Ecology(NIE), Korea Research Institute of Ships & Ocean Engineering(KRISO), Institute of Russian Studies Hankuk University of Foreign Studies, Pai Chai University Korean-Siberian Center, Polar Ocean Future Forum (POCE Forum), Korea Arctic Research Consortium(KoARC), Embassy of Norway, Embassy of Denmark, Embassy of Sweden, Embassy of Canada, Arctic Council(AC) et Arctic Economic Council(AEC).