Bulletin Octobre 2019 – Norvège, Suède, Finlande, Russie

Prospection pétrolière russe au Svalbard ?

Les autorités russes souhaiteraient réexaminer les potentialités pétrolières au Svalbard. Pour cela, elles veulent s’appuyer sur des échantillons provenant d’un forage effectué en 1975. Quelles ambitions ont les autorités russes ?

Les autorités russes ont commandité la société géologique russe Rosgeologiya pour réexaminer les échantillons provenant du puit Grumantskaya-1. Ces échantillons, conservés depuis 44 ans, proviennent d’un forage pétrolier mené en 1975 sous l’impulsion des autorités soviétiques. La société qui doit délivrer ses résultats au cours du mois de septembre a été chargée d’analyser « des échantillons prélevés dans des puits paramétriques forés dans les îles de Kolguev et de Spitzberg » (Communiqué de presse de Rosgeologiya).

Entre 1960 et 1990, près de 20 forages ont été effectués au total par les Soviétiques, puis les Russes sur l’archipel. Si la société Rosgeologiya entend « déterminer les quantités de propriétés générant du pétrole et du gaz à partir des sédiments et d’en déterminer le potentiel pétrolier », le puits Grumantskaya-I n’avait pas donné de résultats probants à l’époque. Ce mouvement initié par les autorités russes inquiète malgré tout la Norvège.

Les dispositions juridiques actuelles concernant l’environnement sont strictes et ne permettent pas d’envisager une exploitation pétrolière autant pour les entreprises norvégiennes qu’étrangères. Toutefois, Per Arne Totland, spécialiste de l’archipel du Svalbard, juge que l’ouverture d’un tel processus par un État pourrait « porter atteinte à la souveraineté norvégienne à Svalbard ». En effet, il ajoute que si « une demande de forage était rejetée, elle pourrait alimenter une campagne de communication sur la gestion du traité de Svalbard par la Norvège », et ce au désavantage de cette dernière (The Independent Barents Observer).

Le développement du tourisme a été lancé depuis les années 2010 pour soutenir la présence d’une population russe sur l’archipel estimé à 450 individus. Cette annonce russe a lieu en parallèle du renforcement de la politique norvégienne au Svalbard visant à limiter la présence étrangère (Bulletin n°1) et quelques mois avant le centenaire du traité du Spitzberg (9 février 1920).

Le Svalbard face au changement climatique

L’augmentation sensible des températures moyennes de la région arctique inquiète la communauté scientifique et menace particulièrement l’archipel du Svalbard. Ainsi, la principale île de l’archipel, Spitzberg, pourrait être scindée en deux à long terme.

L’hémisphère Nord a enregistré sa période estivale (juin-août 2019) la plus chaude sur les 140 dernières années. La région arctique, dans son ensemble, est particulièrement affectée par ce phénomène. L’extension de la glace de mer en Arctique, pour le mois d’août, était « de 30,1% inférieure à la moyenne, juste derrière l’étendue la plus basse jamais enregistrée en août 2012 » (Communiqué du NOAA). Dans ce contexte, l’archipel du Svalbard connaît une transformation rapide de son environnement.

Depuis les années 1970, les températures annuelles moyennes ont augmenté de 4°C sur l’archipel alors que les températures hivernales enregistrent des températures supérieures à 7°C (Arctic Today). La dynamique qui s’est enclenchée menace à long terme l’archipel. Véritable laboratoire vivant des changements en cours, le Svalbard pourrait connaître une transformation singulière. En effet, une équipe composée de chercheurs polonais a mené des observations dans la zone des glaciers Hornbreen-Hambergbreen. Les constats sont alarmants puisque les chercheurs révèlent une accélération de la fonte des glaciers et des pergélisols sur l’archipel. Présente depuis 1957, la Pologne gère une station de recherche à Homsund, situé au sud de l’île de Spitzberg.

Les récentes conclusions de cette équipe de chercheurs ont dévoilé que « le lit des glaciers est au-dessous du niveau de la mer et qu’aucun obstacle susceptible d’empêcher la connexion de la mer de Barents et de la mer du Groenland lorsque les glaciers se sont retirés n’a été identifié » (The Independent Barents Observer). Autrement dit, cette connexion possible à long terme scinderait l’île de Spitzberg en deux, redessinant la géographie de l’archipel.

La Suède inaugure son nouveau centre pour la recherche polaire à Luleå

Le gouvernement suédois a inauguré le 4 septembre 2019 son nouveau Secrétariat de la recherche polaire (Polarforsknings Sekretariatet). L’ancien centre était situé jusqu’alors à Stockholm.

La petite ville de Luleå, située en Laponie suédoise, est désormais le centre névralgique de la politique arctique de la Suède. Le 4 septembre, la ministre de l’Éducation supérieure et de la Recherche, Matilda Ernkrans, et le gouverneur du comté du Norrbotten, Björn Nilsson, ont inauguré le nouveau Secrétariat de la recherche polaire (Compte personnel Twitter de l’ambassadeur suédois aux Affaires arctiques). Le centre est situé sur le campus de l’université technique de Luleå.

Créé initialement en 1984, ce centre était jusqu’à présent basé à Stockholm. Depuis 2018, le centre est dirigé par Katarina Gårdfeldt, ancienne directrice du Centre de l’Environnement et de la Soutenabilité (GMV). Initié par le gouvernement suédois, le déplacement de ce centre a pour ambition « une meilleure connaissance et utilisation de l’Arctique » (Communiqué de l’université technique de Luleå).

La Russie découvre cinq nouvelles îles en Arctique

Le ministère de la Défense russe a officialisé la découverte de cinq nouvelles îles en Arctique. Certaines avaient été identifiées lors d’une expédition scientifique durant l’été 2016 par une étudiante à bord d’un navire scientifique de la flotte du Nord.

En octobre 2016, le ministère de la Défense russe communiquait sur « la confirmation visuelle de la découverte, par les hydrographes, de deux îles situées (…) au nord de l’archipel de Novaya Zemlya » (Communiqué de presse du ministère de la Défense russe). Fin août 2019, le ministère annonce la découverte confirmée de cinq îles. La taille de ces îles varie entre 900 et 54 500 mètres carré. Elles sont situées au large de Novaya Zemlya, à proximité du glacier Nansen (Communiqué de presse du ministère de la Défense russe). Ces découvertes sont le résultat d’un réchauffement accéléré dans cette région de l’Arctique mettant à jour ces terres immergées. Ainsi, les températures dans la région de l’archipel de Novaya Zemlya sont supérieures de 6 à 7°C par rapport aux températures moyennes sur la période 1961-1990 (The Moscow Times).

Cette découverte est aussi l’occasion de mettre en avant les activités du centre de recherche de l’université d’État de la flotte maritime et fluviale (im. Admirala S.O. Marakova). Les missions hydrographiques menées entre 2015 et 2018 au sein de la flotte du Nord ont permis la découverte de plus de 30 nouvelles îles, caps et baies. Avant de figurer sur les cartes, ces informations sont vérifiées et se prolongent par des travaux topographiques et géodésiques (Communiqué de l’université d’État de la flotte maritime et fluviale).

Des élections communales qui secouent le nord de la Norvège

Lundi 9 septembre 2019, la Norvège a vécu la journée au rythme des élections communales. Les résultats de ces élections dans le nord de la Norvège bouleversent le paysage politique de cette partie du pays. Bastion historique du parti travailliste, ce dernier a enregistré un recul électoral retentissant.

Les élections communales qui se sont déroulées sur l’ensemble du territoire norvégien, le 9 septembre 2019, offrent un paysage politique émietté avec un net affaissement du parti travailliste (Arbeiderpartiet). Basées sur le système parlementaire, ces élections regroupent à la fois le vote municipal et celui au niveau du comté. Au moment de la publication des résultats, la partie septentrionale du pays a été témoin du plus grand séisme politique à l’issue de ces élections.

En effet, le parti travailliste subit un affaissement historique dans ces deux bastions. En 2015, le parti fleurtait avec un score de 50% dans les régions de Troms et Finnmark et de Nordland. Lors de ces élections, le parti a recueilli respectivement 27,2 et 25,8% des votes. Cet affaiblissement profite au parti du centre (Senterpartiet) qui fait une percée retentissante dans ces deux régions (19,2% pour la région Troms et Finnmark ; 25% pour la région Nordland) (Résultats du Troms et Finnmark et Résultats du Nordland).

Cette victoire des centristes intervient dans un contexte politique tendu. La réforme administrative en cours qui doit aboutir à la fusion des comtés du Troms et du Finnmark en une seule entité est fortement contestée localement. Profitant de ce mécontentement, le parti centriste dirigé par Trygve Slagsvold Vedum affiche un discours anti-réforme, anti-centralisateur et affirme un positionnement politique anti-UE (The Independent Barents Observer). Ces résultats dans cette partie du pays suggèrent une défiance grandissante envers Oslo.

Exercice tactique de l’armée russe près de la Norvège

Mercredi 18 septembre 2019, l’armée russe a procédé à un exercice tactique à proximité de la Norvège dans la région de Pechenga. Cet exercice a mobilisé 2 000 soldats et de nombreux équipements militaires dont les nouveaux chars T‑80BVM.

Ces derniers mois, l’armée russe a multiplié les exercices militaires dans la région de Barents, et particulièrement à proximité de sa frontière commune avec la Norvège. Ainsi, l’exercice tactique qui s’est déroulé le mercredi 18 septembre s’inscrit dans cette continuité. Cet exercice a engagé 2 000 soldats russes et plus de 400 pièces d’artillerie et autres équipements militaires (Communiqué du ministère de la Défense russe).

À l’occasion de cet exercice dans la région de Pechenga, les forces armées russes ont déployé leur nouveau char T‑80BVM, qui est une version modernisée du char T‑80BV, dont l’une de ses caractéristiques est d’être en capacité désormais de tirer des obus composés d’uranium appauvri. Selon le ministère de la Défense, l’objectif de cet exercice est d’améliorer le système de commandement et de contrôle des troupes dans une situation de combat caractérisée par une évolution rapide sur le terrain.

 

Florian Vidal (GEG) avec des compléments de Fabien Carlet et d’Hervé Baudu