France

Marine

L’intérêt stratégique pour l’Arctique s’est révélé après la Seconde guerre mondiale, par le développement de l’aviation et de la navigation sous-marine qui ont permis de s’affranchir des difficultés de déplacement dans le milieu polaire, puis progressivement d’y déployer des vecteurs de dissuasion aériens et sous-marins.

Les marines de l’OTAN ont alors concentré leurs efforts sur cette zone tampon entre les deux blocs, particulièrement en mers de Norvège et de Barents, principalement pour détecter ou pister les forces soviétiques pendant la Guerre froide.

Le Livre Blanc sur la défense et la sécurité nationale de 2013 rappelle que « la diminution de la superficie des glaces de mer en Arctique n’est pas sans conséquences stratégiques, et la perspective d’une utilisation plus régulière de nouvelles routes maritimes se rapproche ».

La Marine nationale a toujours assuré une présence intermittente mais régulière dans l’océan Arctique. Elle est la seule entité étatique à pouvoir protéger les intérêts nationaux dans ces espaces inhospitaliers et doit, pour ce faire, s’y préparer. Mais les bâtiments de la Marine ne sont actuellement pas conçus ni équipés pour affronter la glace et les équipages sont peu coutumiers des opérations de conduite et d’en­tretien spécifiques à ces régions. A ces latitudes, les cartes marines sont moins précises en raison d’une hydrographie ancienne et incomplète ; les systèmes de positionnement, notamment par satellites, sont moins performants et les moyens de communications traditionnels, par HF ou satellites, sont régulièrement perturbés. D’autres difficultés, mal appréciées à ce jour, se révèleront à l’occasion des déploiements organisés dans la zone. Ces difficultés doivent dans la mesure du possible être identifiées puis étudiées, en amont et in situ par des déploiements à différentes saisons et dans des zones de plus en plus éloignées.

L’amiral commandant la zone maritime Atlantique (CECLANT) a également la responsabilité de la zone Arctique. Il est donc chargé d’y organiser des déploiements réguliers pour mieux apprécier les exigences des opérations en zone polaire. La Marine nationale participe ainsi à plusieurs exercices internationaux dans la zone. Elle s’est associée en particulier à l’ensemble des exercices effectués entre la Russie et les principales marines occidentales, à l’instar des exercices « FRUKUS » qui rassemblaient annuellement la France, la Grande-Bretagne, la Russie et les États-Unis. La Marine a, en parallèle, mené une politique de coopération bilatérale basée sur des déploiements réguliers en mer de Barents et en mer Baltique, marqués par un rythme moyen d’une escale par an en Russie.

Le point d’orgue de cette coopération aura été les escales croisées du sous-marin nucléaire d’attaque (SNA) français Casabianca à Severomosk en 2003 et du SNA russe Vepr à Brest en 2004. Les événements de Crimée et d’Ukraine ont évidemment interrompu cette séquence et gelé les relations.

L’avenir

Les moyens comptés de la Marine nationale ne lui permettent pas d’assurer une permanence en Arctique comme sur d’autres théâtres d’intérêt. De nombreux déploiements ont été néanmoins réalisés depuis 1994 et ont permis des progrès sensibles dans la connaissance de cet espace singulier. Les bâtiments y effectuent une partie de leur Traversée de Longue Durée pour valider leurs équipements avant d’être admis au service actif. L’importance de l’appui spatial aux opérations et de la complémentarité des moyens aériens permettant de recaler les modèles de prédiction de glace a été prise en compte lors des dernières missions, mais des progrès restent à accomplir dans ce domaine.

Les marines riveraines alliées ont également contribué à améliorer notre compréhension de la zone et nos capacités de déploiement, par les appuis logistiques fournis, mais également par les échanges de savoir-faire à l’occasion d’exercices communs et d’em­barquements croisés. Les Marines danoise, norvégienne et les garde-côtes islandais souhaitent un renforcement de la coopération dans l’Arctique, ce qui répond particulièrement à nos attentes et doit être pris en compte pour la planification des prochaines missions.

Des efforts particuliers ont été entrepris au cours de ces trois dernières années, marquées par trois déploiements d’avions de surveillance maritime Falcon 50 depuis l’Islande et la Norvège, deux déploiements du remorqueur de haute mer (RHM) Le Tenace1Les deux RHM Tenace et Malabar disposent d’une étrave renforcée capable de briser la glace de 2 mètres d’épaisseur. jusqu’au Spitzberg à l’été 2013 puis en mer de Kara à l’automne 2014, et par deux déploiements de frégates en 2014, au début de l’hiver, jusqu’en mer de Barents, et une seconde mission à l’été 2015. Enfin le patrouilleur basé à Saint-Pierre et Miquelon, sentinelle avancée à l’ouvert de la route du Nord-Ouest, a effectué une patrouille qui l’a amené sur la côte ouest du Groenland jusqu’en mer de Baffin à l’été 2014.

Les prochains déploiements prévoient de donner la priorité à la route du Nord-Est au détriment de la route du Nord-Ouest pourtant bordée de pays alliés, mais qui ne présente pas les mêmes potentialités. Le transit d’une force aéronavale vers le Pacifique par le Nord n’est pas à l’ordre du jour à courte ou moyenne échéance dans le contexte géopolitique actuel. Malgré tout, elle n’est pas à exclure totalement, et des missions de bâtiments hydro-océanographiques pour­raient être conduites en amont pour anticiper les besoins de connaissance.

L’objectif sur le long terme de conduire des opérations aéronavales en Arctique doit être poursuivi en déployant progressivement des moyens plus complexes, dans un contexte tactique plus élaboré, en repoussant les limites géographiques et climatiques.

Des coopérations avec les chercheurs civils ou des partenaires privés doivent également être recherchées pour améliorer ou adapter les équipements qui seront nécessaires à la navigation dans les régions polaires. Il pourrait être envisagé également d’étudier les possibilités de renforcer les coques des futurs navires de la Marine nationale, BSAH2Bâtiment de Soutien et d’Assistance Hauturier. voire FTI3Frégate de Taille Intermédiaire., en perspective des futurs déploiements de ces bâtiments dans les espaces polaires.

Armée de Terre : un premier point capacitaire

Unités spécialisées de l’armée de Terre aptes à l’engagement en terrain montagneux et enneigé

Seule une partie de l’armée de Terre dispose d’un entraînement spécifique aux terrains enneigés. La notion de spécificité doit être bien comprise et répond à la définition suivante.

La « spécificité montagne » se définit comme l’en­semble des aptitudes morales, physiques, techniques et tactiques, qu’elles soient individuelles ou collectives, vivre, se déplacer et combattre dans un milieu caractérisé. Par un relief élevé ou accidenté et des conditions climatiques hivernales marquées.

Ainsi cette spécificité n’est pas liée à la mise en œuvre d’un matériel, à la maîtrise d’une technique particulière, à l’application d’un procédé de combat, ou à la référence à une tradition. Elle a pour objet la prise en compte d’un milieu géographique et humain, pouvant devenir hostile, pour conserver son efficacité à toute action militaire appelée à s’y exercer.

Les savoir-faire fondamentaux à posséder pour pouvoir agir efficacement dans un milieu accidenté et enneigé portent sur les déplacements et les stationnements. Ils constituent les capacités de base communes aux unités spécialisées montagne.

Elles conditionnent toutes les autres. Elles permettent de réaliser le triptyque des aptitudes suivant4Extrait du document « objectif doctrine » n°38 du CDES. :

– Aptitude à l’autonomie de décision et d’action jusqu’aux plus bas niveaux ;

– Aptitude à la compréhension des milieux et des situations grâce à un réflexe renseignement permanent de tous les moyens ;

– Aptitude à la présence et au contact dans la durée sur la totalité des zones préférentielles d’engage­ment, par la mobilité et une logistique individuelle et collective.

La spécificité se traduit par l’existence au sein de l’armée de Terre des troupes de montagne qui sont constituées de deux composantes :

  • Une composante « forces » la 27e BIM aux ordres du CFAT, disposant d’unités de soutien, dépendant du CFLT (7e RMat. et 511e RT) ;
  • Une composante « formation » avec l’école militaire de haute montagne et le complexe d’aguerrissement des Alpes et ses deux centres (Centre National d’Aguerrissement en Montagne et Centre d’Instruction et d’Entraînement au Combat en Montagne) qui dépendent du CoFAT et dispensent leur savoir-faire à toute l’armée de Terre et aux autres armées.

Les unités présentant ces aptitudes hors 27° BIM sont les suivantes :

  • Une compagnie du Régiment étranger de parachutistes (2° compagnie) ;
  • Des éléments du 13° Régiment de dragons parachutistes (RDP) ;
  • Des éléments du 1er Régiment parachutiste d’infanterie de marine (RPIMA).

Le Groupe militaire de haute montagne (GMHM) de l’Ecole militaire de haute montagne ne doit pas être oublié.

La 27e BIM

Cette brigade qui appartient à la Première division dans le cadre de « l’armée de Terre au contact » est l’héritière des troupes alpines créées en 1888 pour défendre les Alpes. Depuis, sous diverses formes, elle a participé aux deux conflits mondiaux et à de nombreuses opérations extérieures.

Professionnalisée depuis 1999, la 27e BIM reste dépositaire des traditions des troupes de montagne. Détentrice de capacités opérationnelles reconnues, elle met en œuvre des savoir-faire spécifiques sur les théâtres les plus divers.

La Mission de la Brigade

  • Prévention, en déployant des unités outre-mer ;
  • Projection, en participant aux engagements dans le cadre des alliances et des organisations internationales ;
  • Protection du territoire par l’assistance aux populations et les actions de sécurité en cas de crise.

Spécificité : la particularité de la 27e BIM est de pouvoir réaliser toutes ses missions sur un relief escarpé et/ou montagneux et dans des conditions climatiques extrêmes.

La maîtrise du milieu implique trois capacités particulières : la capacité à se déplacer et à s’affranchir des obstacles naturels, la capacité à vivre dans la durée, et la capacité à commander et à combattre.

Composition de la 27° BIM

Un régiment de cavalerie blindée : le 4° Régiment de chasseurs (4e Rch) de Gap
  • Trois escadrons de combat blindés.
  • Un escadron de reconnaissance et d’inter­vention anti-char.
  • Un escadron de commandement et de logistique.
  • Un escadron de réserve.

Matériel

Le régiment est équipé d’AMX 10 RC revalorisés, armés d’un canon de 105, d’ERC armés d’un canon de 90, de Véhicules de l’avant blindé (VAB), de véhicules blindés légers (VBL) armés de mitrailleuse 12,7, de missiles MILAN ou de mitrailleuses 7,65.

Il est aussi doté de différents moyens de transports de troupes, dont des véhicules articulés chenillés (VAC) des motos neige, et des véhicules de dépannage.

3 Bataillons de chasseurs alpins : 7° BCA de Varces, 13° BCA de Chambéry, 27° BCA d’Annecy

Chacun des bataillons est composé de :

  • Un état-major (organiser et commander le bataillon) ;
  • Quatre compagnies de combat (combattre au contact) ;
  • Une compagnie d’éclairage et d’appui (éclairer et appuyer les compagnies de combat) ;
  • Une compagnie de commandement et de logistique (soutenir) ;
  • Une compagnie de base et d’instruction (instruire et soutenir) ;
  • Une compagnie de réserve (mission opérationnelle de défense sur le territoire).

Matériel

Armement individuel : FAMAS, fusils de précisions, fusils mitrailleurs, pistolets, lances grenades… Armement collectif : missiles ERYX et MILAN, mitrailleuses 12,7mm, canons de 20mm, mortiers de 81mm.

Véhicules : VHM (véhicule de haute mobilité expérimenté par le 7° BCA, VAB, VAC (véhicule articulé chenillé), PVP (petit véhicule protégé), TRM2000.

Un régiment d’artillerie de montagne le 93° Régiment d’artillerie de montagne de Varces

Le 93e RAM est spécialisé dans l’intervention en milieu montagneux et par conditions climatiques extrêmes.

Son équipement en mortiers de 120mm, en canons de 155mm CAESAR, en missiles sol-air à très courte portée MISTRAL, en drones de contact DRAC donne au 93e RAM la capacité d’être engagé sur tous les théâtres d’opération.

Composition

Le régiment se compose de batteries :

  • Une batterie de commandement et de logistique : batterie Maurienne (BCL) ;
  • Deux batteries de tir sol-sol ;
  • Une batterie de tir sol-air ;
  • Une batterie de renseignement brigade ;
  • Une batterie de réserve.

Matériel

  • Mortiers de 120 mm ;
  • Camion équipé d’un système d’artillerie CAESAR de 155 mm ;
  • Missiles sol-air à très courte portée Mistral ;
  • Drone de reconnaissance au contact (DRAC) ;
  • (VAB) radar d’aide au tir d’artillerie de campagne (RATAC), radar d’acquisition et de surveillance terrestre (RASIT), doté d’une caméra thermique et d’un télémètre laser (OBS) ou véhicule d’implantation topographique (VIT) ;
  • Véhicule articulé chenillé (VAC) ;
  • Petit véhicule protégé (PVP).
Un régiment de génie d’assaut, le 2° Régiment étranger de génie de Saint Christol
  • Compagnie de commandement et de logistique (CCL) ;
  • Une compagnie d’administration et de soutien (CAS) ;
  • Trois compagnies de génie de combat ;
  • Une compagnie d’appui (engins spécialisés).
La 27e compagnie de commandement et de transmissions de montagne (27e CCTM), basée à Varces

   [ + ]

1. Les deux RHM Tenace et Malabar disposent d’une étrave renforcée capable de briser la glace de 2 mètres d’épaisseur.
2. Bâtiment de Soutien et d’Assistance Hauturier.
3. Frégate de Taille Intermédiaire.
4. Extrait du document « objectif doctrine » n°38 du CDES.