Bulletin Mai 2020 – Technologie – Industrie – Capacitaire

Actualité Industrielle

Le contrat du premier brise-glace Leader pourrait être signé très prochainement

Le chantier naval d’État d’Extrême-Orient de Zvezda et Rosatom s’apprêtent à conclure un contrat pour la construction du brise-glace atomique Leader pour un coût de 127,6 milliards de roubles (2 milliards de dollars).

Équipé de deux réacteurs nucléaires de type RITM‑400 pour développer une puissance totale de 120 MW, le brise-glace pourra progresser dans une glace épaisse de 4 mètres. Le Leader aura un déplacement de 55 000 tonnes, soit environ le double du poids des récents brise-glaces actuels de la classe LK60 Arktika. C’est l’ancien Premier ministre Dmitri Medvedev qui avait obtenu en janvier dernier le financement public pour la construction du premier brise-glace de classe Leader. Deux autres brise-glaces géants sont prévus avec des livraisons en 2030 et 2032. Le financement de ces deux autres unités n’a pas encore été accordé. Le premier brise-glace de la série doit être construit avant 2027. Les avantages des brise-glaces de classe Leader par rapport aux brise-glaces à propulsion nucléaire de 60 MW (LK‑60) type Arktika sont liés à son déplacement et ses dimensions. Il aura la capacité d’ouverture d’un chenal de 55 mètres de large, la capacité d’assurer une vitesse commerciale d’escorte de 10 nœuds dans une glace de 2,5 mètres d’épaisseur, ce qui n’est pas possible pour les brise-glaces LK‑60. L’objectif est de pouvoir exporter des hydrocarbures vers les marchés étrangers toute l’année. En particulier, le brise-glace devrait faciliter l’exportation du GNL des usines de NOVATEK sur la péninsule de Yamal et la péninsule de Gydan. Sources : Kommersant.ru ; BarentsObserver ; Tass ; Rosatom video ; Portnews.

Figure 1 : Brise-glaces lourds russes actuels, en construction et en projet (©Hervé Baudu)

La Russie cherche à se doter dans l’Arctique d’une plate-forme de recherche mobile

Dans le cadre du développement de ses projets de la recherche, le ministère russe de l’Environnement se dotera d’une nouvelle plate-forme scientifique destinée à opérer dans l’Arctique. Les Chantiers de l’Amirauté, basés à Saint-Pétersbourg, doivent ainsi réaliser la construction de la plate-forme autopropulsée North Pole – ou Projet 00903 – d’un tonnage estimé de 7 500 tonnes pour une capacité à évoluer un an et en continu dans l’Arctique. Le North Pole sera armé par un équipage de 14 marins et capable d’embarquer jusqu’à 48 scientifiques pour servir ses laboratoires et équipements (source FR).

Actualité Capacitaire

La Russie poursuit le développement de ses infrastructures et capacités militaires dans l’Arctique

Dans l’Arctique, la Russie poursuit le développement de ses capacités militaires en organisant un exercice aéroporté et interarmées dans la région de l’archipel François-Joseph. Cet exercice impliquant des effectifs limités apparaît malgré tout comme une prouesse technique indéniable : trois appareils de transport Il‑76, susceptibles d’embarquer jusqu’à 125 parachutistes chacun, ont procédé aux largages de leurs personnels depuis une hauteur de 10 000 mètres, une performance inédite que compliquent encore les conditions météorologiques extrêmes de l’Arctique (source FR). Les parachutistes russes ont alors procédé à la destruction d’un contingent fictif d’ennemis en collaboration avec la Flotte du Nord et de ses propres effectifs et matériels, l’ensemble de ces opérations servant à mettre en scène la capacité de la Russie à mener des opérations offensives et défensives dans l’Arctique (source EN).

La Russie poursuit en parallèle le renforcement de ses bastions dans l’Arctique : à proximité de la mer de Laptev, au sein de la base militaire de Tiksi, les autorités militaires ont inauguré une nouvelle batterie de systèmes de missile S‑300, destinés à l’interception de missiles et/ou d’appareils s’acheminant vers le territoire russe (source EN). Ces dispositifs contribuent à renforcer la capacité de Moscou à exercer le long de la route maritime du Nord un contrôle exclusif, en restreignant l’accès de ces régions à d’éventuels adversaires futurs. Ce n’est d’ailleurs pas le seul développement significatif des capacités militaires russes dans la région, les autorités du pays poursuivant en parallèle la campagne de tests du missile antinavire hypersonique Tsirkon, lui aussi susceptible de renforcer les compétences russes en matière de déni d’accès (source EN).

Des F‑35 norvégiens utilisés pour la première fois pour contrer une incursion russe dans l’Atlantique Nord

Pour encadrer le transit de trois appareils militaires russes en mer de Norvège et en mer du Nord, la Norvège a procédé aux déploiements de deux F‑16 et de deux F‑35 depuis les bases de Bodø, au nord du cercle Arctique, et d’Ørland. Si cet incident n’est pas significatif et ne correspond qu’à un scénario classique de la diplomatie militaire russe, il s’agit en revanche du premier déploiement de F‑35 norvégiens face à des appareils russes, en l’occurrence deux bombardiers Tu‑142s et un chasseur MiG‑31 (source EN). Pour rappel, la Norvège dispose de F‑35 depuis 2017 : ces derniers doivent contribuer à rehausser les capacités militaires du pays, en particulier dans un contexte marqué par la remilitarisation par la Russie du Grand Nord et de l’Arctique.

Pour la première fois depuis 10 ans, la France déploie un porte-avions dans l’Atlantique

Après dix ans d’opérations en Méditerranée et dans l’océan Indien, le porte-avions Charles de Gaulle, navire-amiral de la Marine nationale, est présent dans l’Atlantique Nord pour la Mission Foch, accompagné par un groupe aéronaval (GAN) composé d’un sous-marin nucléaire d’attaque (SNA), de la frégate de défense aérienne (FDA) La Motte-Picquet et du bâtiment de commandement et de ravitaillement (BCR) Marne.

Les objectifs de cette mission sont nombreux : d’une part, le Charles de Gaulle et son GAN doivent contribuer à réaffirmer l’attachement de la France à la sécurité de l’Atlantique Nord, notamment en multipliant les interactions avec les partenaires locaux de la France et de l’OTAN. D’autre part, la Marine nationale entend poursuivre le développement de ses capacités à interagir dans l’Atlantique Nord aux côtés de ses alliés : elle s’est entraînée, à travers la Mission Foch, à travailler aux côtés des forces allemandes, mais aussi danoises, espagnoles, norvégiennes, portugaises et néerlandaises (source FR). Malheureusement, les autorités françaises ont dû renoncer à deux événements importants : alors que le Charles de Gaulle et son GAN devaient participer aux exercices internationaux Frisian Flag et Joint Warrior, ces derniers ont été annulés du fait de la propagation alarmante du Covid‑19 en Europe.

Au Royaume-Uni, un quatrième sous-marin de classe Astute désormais opérationnel

La Royal Navy a reçu son quatrième sous-marin nucléaire d’attaque (SNA) de classe Astute, achevé à Barrow-In-Furness et désormais basé à Clyde, en Ecosse. Avec un déplacement de 7 400 tonnes, l’HMS Audacious rejoint les HMS Astute, Ambush et Artful, en attendant le lancement à venir de trois unités restantes, les HMS Anson, Agamemnon et Agincourt. Cette livraison est une excellente nouvelle pour la sous-marinade britannique, alors que l’épidémie de Covid‑19 devrait avoir un impact important sur les capacités de production de différents constructeurs naval mondiaux (source EN).

Pourtant, cette nouvelle ne doit pas faire oublier les nombreuses difficultés rencontrées par le programme Astute : alors qu’ils devaient succéder à une génération précédente de SNA, les sous-marins de classe Trafalgar, les Astute accusent un retard important. Les autorités britanniques anticipent désormais un délai supplémentaire dans la livraison des HMS Anson et Agamemnon, ce qui entraînerait de facto soit un déficit capacitaire lié au retrait des HMS Talent et Triumph, soit la prolongation de la durée de vie de ces deux unités vieillissantes (source EN). Cette perspective est inquiétante car la sous-marinade britannique représente l’un des atouts les plus importants de l’OTAN dans l’Atlantique Nord et, par extension, dans l’Arctique.

 

IRIS, avec Hervé Baudu (ENSM)