Bulletin Juillet 2019 – États Observateurs du Conseil de l’Arctique – Union européenne

ASIE

La Chine et l’Arctic Circle, organisé à Shanghai du 10 au 11 mai 2019

Un moyen d’affirmation de la légitimité de puissance globale chinoise.

Le Forum du cercle de l’Arctique (Arctic Circle Forum), émanation de l’Assemblée du cercle de l’Arctique (Arctic Circle Assembly), initié par l’Islande en 2013, s’est tenu pour la première fois en Chine les 10 et 11 mai 2019. Comme toutes les réunions internationales de ce type, le forum constitue d’abord pour la direction chinoise un moyen d’affirmer sa légitimité de puissance globale. Le forum rassemblait plus de 500 participants venant de 50 pays. Si l’objet de ce type de forum peut varier, l’objectif est constant et répété dans les mêmes termes.

À l’occasion du Forum de l’Arctique de Shanghai, organisé par le Shanghai Institute of Internationale Studies (SIIS), plusieurs administrations chinoises ont été parties prenantes : la Chinese Society for Oceanography, le Polar Research Institute of China, la China Oceanic Development Foundation, la State Oceanic Administration du ministère des Ressources naturelles et le ministère des Affaires étrangères. Les thèmes qui fondent le dialogue du Cercle de l’Arctique ont été abordés : science et innovation, transport et logistique, développement durable et gouvernance des océans, prise en compte des populations locales.

Mais en territoire chinois, le thème dominant a été celui de la « Route de la soie de l’Arctique », qui permet d’intégrer l’intérêt de la Chine pour l’Arctique au « rêve chinois » du président Xi et de légitimer un peu plus un discours de puissance multidirectionnel à vocation interne et externe. La « Route de la soie de l’Arctique » est ainsi présentée comme le principal facteur de globalisation de l’Arctique.

Dans le même temps, les interventions chinoises avaient aussi pour objectif de rassurer en expliquant « how Chinese activities were misread ».[1] Il s’agissait aussi pour Pékin de nouer de nouvelles alliances, notamment avec les puissances nordiques, contre les États-Unis, en exploitant les divergences majeures sur la question du Climat et des énergies vertes.

Dans le même temps, les grandes compagnies chinoises de transport, de construction navale et d’énergie comme Cosco, Jiangnan Shipyard et Petro China, impliquée dans le projet de Yamal, étaient également très présentes.

Dans ce domaine comme dans celui des télécommunications, il s’agit aussi pour la Chine de tenter d’imposer son propre système de normes, en dépit de l’existence de l’International Maritime Organization Polar Code, et tout en affirmant son adhésion aux règles de l’UNCLOS. Selon le Global Times, « Le cadre de la Route de la soie des glaces pourrait représenter une nouvelle direction pour la gouvernance future de l’Arctique et la coopération ».[2]

Le modèle suivi est celui des « contre-organisations » que la Chine tente de mettre en place pour défendre ses intérêts dans un système international dominé, selon Pékin, par les normes imposées par l’Occident.

Dans ce domaine comme dans celui des échanges commerciaux ou du respect du droit de la mer, l’objectif est donc d’intégrer les éléments positifs de l’intérêt croissant de la Chine pour l’Arctique, y compris en matière environnementale, tout en imposant la préservation du système de normes existant, en dépit des divisions du camp occidental lui-même.

Japon, Mitsui s’investit dans l’exploitation de gaz russe dans l’océan Arctique

Par la coopération économique, notamment dans le secteur énergétique, le Japon cherche à ne pas laisser la Chine seule en Arctique.

Le Japon ne veut pas être exclu des grands projets d’exploitation d’énergie lancés par la Russie dans l’océan Arctique. La motivation économique est présente, mais la dimension diplomatique et géostratégique est également sensible. L’annonce de la participation de Mitsui and co (trading company) à un important projet d’exploitation de LNG dans l’océan Arctique russe, en dépit des incertitudes que fait peser le régime de sanctions commerciales contre la Russie que le Japon s’est engagé à respecter, confirme cette orientation.

Sans progrès sur la question des îles Kouryles, le Premier ministre Abe poursuit sa stratégie de contacts directs avec le président russe, qu’il a rencontré à nouveau à l’occasion du G20.

La coopération économique, notamment dans le secteur énergétique, s’inscrit dans cette stratégie qui vise à détacher Moscou d’un partenariat trop exclusif avec Pékin et le projet mené par Mitsui a été qualifié de « point central de la coopération économique avec la Russie ».

La décision, annoncée à l’occasion du G20, de la participation de la Japan Oil, Gas and Netals National Corp. à hauteur de 75% du capital de la nouvelle société aux côtés de Mitsui témoigne de cet engagement qui va au-delà des simples enjeux économiques et implique l’État japonais. La nouvelle joint-venture Japan Arctic LNG BV s’est portée acquéreur de 10% du capital de la compagnie Arctic LNG 2 LLC[3], pour un montant de 23 milliards de dollars.

Il s’agit également, dans le cadre d’une rivalité toujours présente, et qui s’exprime par de multiples canaux, de ne pas laisser la Chine seule active en Russie. Le Japon, depuis 2015, a multiplié les initiatives visant à imposer son propre modèle de développement d’infrastructures « de qualité », en réponse aux projets chinois de Routes de la Soie.

Signature d’un accord-cadre entre la Corée du Sud et la Norvège

Au cours d’une visite d’État en Norvège, le président sud-coréen a signé un MoU visant notamment à créer un comité mixte de recherche scientifique.

Mi-juin, le président sud-coréen Moon Jae-in s’est rendu en Norvège pour une visite d’État, la première d’un chef d’État coréen. L’objectif était de renforcer la coopération bilatérale dans les domaines de l’hydrogène, des affaires maritimes mais aussi de l’Arctique. À ce sujet, un accord-cadre (MoU) a été signé afin de renforcer les échanges entre les orga­nismes de recherche scientifique des deux pays sur l’Arctique et de créer un comité mixte de recherche scientifique (changement climatique, poussières fines, environnement durable dans l’Arctique) entre la Corée du Sud et la Norvège en 2020. Rappelons que la Corée du Sud dispose déjà de la base estivale de recherche arctique « Dasan » dans la base scientifique de Ny-Ålesund au Svalbard.

Europe et Union européenne

Une publication française sur l’Union européenne et les défis environne­mentaux de l’Arctique

L’article analyse l’apport de la politique intégrée de l’UE, adoptée en 2016 par la Commission européenne et la Haute représentante, dans le développement durable de l’Arctique.

Cet article, paru dans la Revue juridique de l’environnement et publié sur Cairn en juin 2019, est l’une des rares publica­tions françaises non-institutionnelles écrites sur le sujet. Marie-Ange Schellekens constate tout d’abord l’insuffisance du régime juridique de l’océan Arctique en vigueur, pour ensuite montrer le potentiel de la soft law à travers la coopération intergouvernementale. En effet, elle montre qu’avec la politique intégrée de l’UE pour l’Arctique, l’UE affiche désormais une politique ambitieuse, différenciée et fondée sur la notion de valeur ajoutée. Cependant, elle reconnaît que celle-ci se trouve limitée dans son action et son étendue. Ceci est dû à l’absence d’un encadrement institutionnel indépendant des intérêts économiques et stratégiques des États arctiques (pas de sanction en cas de non-respect des règles). L’impact est également amoindri par la faiblesse des mécanismes de coordination en interne.

Schellekens Marie-Ange, « L’Union européenne et les défis de l’Arctique : l’apport de la politique intégrée de l’UE pour l’Arctique », Revue juridique de l’environnement, 2019/2 (Volume 44), pp. 291‑306, https://www.cairn.info/revue-revue-juridique-de-l-environnement-2019-2-page-291.htm

Discours du vice-président de la Commission européenne Jyrki Katainen, à la Conférence arctique, le 11 juin 2019

Prononcé lors de la conférence arctique organisée par le ministère des Affaires étrangères finlandais à Bruxelles, le discours du vice-président de la Commission européenne s’inscrit dans la continuité de la politique européenne intégrée pour l’Arctique de 2016[4].

Le discours du vice-président de la Commission européenne, de nationalité finlandaise, rappelle l’accent mis par la politique européenne sur le changement climatique, la protection de l’environnement, le développement durable et la coopération internationale. La science, la recherche et l’innovation demeurent en ce sens les principaux moyens d’action de l’Union européenne en Arctique. Le vice-président mentionne en particulier l’intérêt grandissant de la région sur la scène internationale et son exposition aux effets dramatiques du changement climatique. Enfin, il insiste sur le développement incertain de la situation géopolitique en Arctique. Selon la Commission, l’Union européenne doit en suivre les évolutions avec attention et avoir un rôle proactif dans tous les secteurs clés de la région arctique. Sans doute s’agit-il d’une allusion aux tensions avec la Russie au moment où le Conseil de l’Europe s’engage vers la levée des sanctions.

La coopération russo-allemande bat son plein dans le domaine de la recher­che climatique arctique[5]

L’expérience acquise au cours de l’expédition collaborative russo-allemande TRANSARCTIC 2019 a permis de préparer ce qui constituera la plus grande expédition arctique de l’histoire, l’expédition internationale MOSAiC, qui débutera en septembre 2019.

Le succès de l’expédition collaborative russo-allemande TRANSARCTIC 2019 s’inscrit dans la continuité d’une colla­boration scientifique russo-allemande depuis plusieurs décennies. Cette expédition de deux mois du brise-glace russe Akademic Treshnikov, comprenant sept chercheurs allemands, est d’une importance toute particulière pour l’Alfred-Wegener-Institute, qui mènera l’expédition internationale MOSAiC à partir de septembre 2019. Le Multi-Disciplinary drifting Observatory for the study of Arctic Climate programme est la première expédition d’une année dans l’océan Arctique central pour étudier explicitement le système climatique arctique. Dirigée par le Alfred-Wegener-Institut en Allemagne, le projet se fait principalement en collaboration avec l’institut de recherche russe sur l’Arctique et l’Antarctique et l’université du Colorado. À l’approche de ce projet colossal préparé depuis 2011, l’expédition TRANSARCTIC a été une plate-forme précieuse pour étudier l’océan, la glace et l’atmosphère et leurs interactions dans la mer du Barents. La collaboration avec la Russie est indispensable pour la réussite de MOSAiC, tant sur le plan de la recherche que sur le plan logistique.

Vers une mise en œuvre du moratoire sur la pêche commerciale dans l’océan Arctique central

Rencontre de l’Union européenne avec ses partenaires à Ottawa pour préparer la mise en œuvre de l’accord international visant à prévenir la pêche non réglementée en haute mer dans l’océan Arctique central.

Cet accord de 2017, en attente de ratifications[6], s’inscrit dans la position de longue date de l’Union européenne tant en ce qui concerne sa politique arctique que sa politique de gouvernance des océans. En effet, l’Union insiste depuis longtemps sur la nécessité d’un régime de précaution avant toute autorisation de commercialisation de la pêche dans l’océan central Arctique. Lors de la rencontre, les pays ont adopté un « approfondissement » au Programme commun de recherche scientifique et de surveillance. L’approfondissement consiste à formaliser un groupe scientifique provisoire pour coordonner le travail des experts. Les autres points principaux qui ont été soulevés pendant la rencontre sont :

  • les deux expéditions prévues en 2019 et 2020 dans la haute mer de l’océan Arctique qui permettront de déterminer quels stocks halieutiques sont présents dans la région : MOSAiC et Open expedition ;
  • l’intégration des populations autochtones, et des communautés locales arctiques dans le Programme commun de recherche scientifique et de surveillance[7].

Preventing unregulated fishing in the Arctic: EU and partners meet to further the implementation of historic agreement: https://ec.europa.eu/fisheries/press/preventing-unregulated-fishing-arctic-eu-and-partners-meet-further-implementation-historic_en

Vers une plus grande collaboration dans la recherche polaire

Le Conseil polaire européen apporte des réflexions sur les voies d’amélioration de la coordination de la communauté européenne de recherche.

Pendant l’Arctic Science Summit Week (ASSW) 2019 à Arkhangelsk en Russie (22 au 30 mai), le Conseil polaire européen a rappelé pendant une des sessions de travail les différents projets en cours dans le domaine de la recherche polaire. Notamment, le rapport mentionne le EU‑Polar Net créé dans le cadre de l’Horizon 2020. Ce projet inclut : le soutien au dialogue avec la Commission européenne, le développement d’un programme de recherche polaire, l’harmonisation de l’accès à l’infrastructure et la coopération avec l’Alliance de recherche transatlantique. Le rapport souligne également le rôle du Conseil comme un point de contact pour joindre ses membres à travers la base de données – Infrastructure Database and Catalogue. Enfin, il conclut sur la nécessité pour les chercheurs d’intégrer le niveau national comme inter­national pour renforcer la collaboration arctique.

Le mois de juin a également été marqué par l’élection de Halldór Jóhannsson, directeur du Portail de l’Arctique (Arctic Portal) et Vito Vitale, représentant des membres du Conseil national pour la recherche italien pour les études polaires au comité exécutif du Conseil polaire européen. Ces deux élections s’inscrivent dans la lignée de cette institution dont les membres proviennent principalement d’instituts de recherche, d’académies scientifiques, d’agences de financement, et d’opérateurs polaires européens.

Les paysages du Svalbard à l’ordre du jour de la rencontre mensuelle sur le développement du Conseil des affaires étrangères européen

Les Ministres des affaires étrangères des pays membres de l’Union européenne se sont rencontrés le 16 mai 2019 afin de discuter de l’agenda 2030 pour le développement et entre autres du changement climatique. Dans ce cadre, la maîtrise des calottes glaciaires arctiques a été abordée.

Le Conseil de l’Union européenne a publié sur son site des images d’archives de l’archipel norvégien du Svalbard et de ses paysages anthropocènes arctiques. Cette vidéo de 8 minutes[8], publiée en mai, a été réalisée par le professeur René Frosber de l’Université Technique du Danemark et son équipe d’étudiants internationaux pendant une campagne aérienne et spatiale destinée à soutenir la mission candidate de haute priorité (HPCM) Copernicus Imaging Microwave Radiometry[9]. Cette mission est menée dans le cadre de la politique arctique de l’Union européenne et est une contri­bution de l’Agence spatiale européenne. Ces travaux s’inscrivent dans le vaste courant transdisciplinaire de l’anthro­pocène, très présent dans la recherche scientifique (en sciences sociales et en sciences dures).

[1] Kai Sun, Ocean University of China

[2] Yao Zhang, http ://www.globaltimes.cn/content/1144928.shtml

[3] La compagnie était détenue à 60% par une compagnie russe (pao Novatek), avec des capitaux français (Total) et chinois (CNPC et National offshore Oil corp.)

[4] http ://www.observatoire-arctique.fr/analyses-regionales/parlement-europeen-commission-europeenne-retour-ambitions-institutions-europeennes-region-arc-tique/

[5] « The next milestone in Russian-German Arctic research », Alfred Wegener Institute, 20 May 2019.

[6] Seule l’Union européenne, la Russie et le Canada l’ont ratifié.

[7] https://ec.europa.eu/fisheries/press/preventing-unregulated-fishing-arctic-eu-and-partners-meet-further-implementation-historic_en

[8] https://newsroom.consilium.europa.eu/events/20190516-foreign-affairs-council-development-may‑2019/123136-arctic-landscapes-svalbard‑20190503

[9] https://cimr.eu/sites/cimr.met.no/files/documents/CIMR‑MRD‑v2.0‑20190305-ISSUED_0.pdf

 

Alexandre Taithe (FRS, coordinateur), Anne-Laure Baldacchino (FRS)